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Par Jean-Luc Goudet, Futura-Sciences
En Australie, des dauphins préparent les seiches avant de les manger, selon un rite culinaire peut-être enseigné aux jeunes et consistant à éliminer l'encre et l'os. Ce comportement a pu être minutieusement observé en pleine eau, une chance rarissime dont a pleinement profité une équipe de zoologistes.
Dans le profond Golfe Spencer, au sud de l'Australie, les seiches géantes (Sepia apama, Australian Giant Cuttlefish en anglais) viennent se reproduire en masse entre mai et août. Ces grands céphalopodes, qui peuvent atteindre 50 centimètres (sans les tentacules) pour un poids d'une dizaine de kilos, se rassemblent dans des eaux côtières peu profondes. On peut alors rencontrer plusieurs dizaines de milliers d'individus sur quelques kilomètres de récif.
Manifestement, les dauphins le savent. Des populations de Tursiops aduncus, le Grand dauphin de l'océan Indien, s'invitent à ces parades nuptiales et s'offrent un festin de seiches. Julian Finn et Mark Norman, deux zoologistes australiens de l'université de La Trobe, avec le Britannique Tom Tregenza, ont eux aussi fait partie de la fête en mai 2003 et en mai 2007. Mark Norman n'est pas un inconnu. Comme Julian Finn, il collabore avec le Museum Victoria. En 2007, les deux compères avaient organisé la première dissection publique d'un calmar géant, une démonstration qui avait connu un gros succès local mais aussi mondial grâce au InternetRéseau informatique mondial constitué d\'un ensemble de réseaux nationaux, régionaux et privés qui sont reliés par le protocole de communication TCP/IP et qui coopèrent dans le but d\'offrir une interface unique à leurs utilisateurs.
L\'ambition d\'Internet s\'exprime en une phrase : relier entre eux...');" onmouseout="killlink()">Web.Caméra au poing, ces spécialistes des céphalopodes ont longuement observé les dauphins en train de se repaître de seiches géantes et ont repéré un comportement étrange. L'une des femelles prenait un soin particulier à la préparation des proies avant dégustation. Longuement filmée, la technique a pu être détaillée. Le dauphin nage au-dessus de la seiche puis plonge sur elle. En s'aidant d'un brusque MouvementVariation de la position d\'un point, d\'un solide d\'un système, étudié dans un référentiel donné, en fonction du temps.');" onmouseout="killlink()">mouvement de TorsionMode de sollicitation mécanique d\'un corps solide déformable dû à un mouvement autour d\'un axe provoquant un déplacement angulaire des plans perpendiculaires à ce dernier.
La torsion d\'un cylindre de révolution encastré à l\'une de ses extrémités produit des contraintes de cisaillement...');" onmouseout="killlink()">torsion de son corps, le MammifèreClasse de vertébrés comprenant plus de 4000 espèces. Ils se caractérisent entre autres par :
- une température corporelle constante ;
- la possession de poils ;
- le fait d\'allaiter leurs petits ;
- la présence d\'une demi mâchoire inférieure formée d\'un seul os.
Les premiers mammifères...');" onmouseout="killlink()">mammifère la frappe, suffisamment violemment pour l'assommer ou la tuer. Le choc brise sans doute le CartilageLe cartilage est un tissu conjonctif dense et élastique qui se trouve à la jonction entre de nombreuses pièces osseuses du squelette. Il amortit les chocs dus aux mouvements.');" onmouseout="killlink()">cartilage crânien ou, à côté, la partie minéralisée que l'on appelle l'os de seiche. Les plongeurs ont même pu entendre le bruit...
Julian Finn devant son sujet de prédilection, un calmar de bonne taille. © Censeam/J. FinnMeilleure et plus digeste, la seiche sans encre ?
Ensuite, le dauphin saisit sa proie du bout de son RostreChez les coléoptères (charançons), le rostre est un prolongement rigide de la tête, en forme de museau, qui porte les pièces buccales à son extrémité. Le rostre est souvent prolongé en bec ou suçoir. Chez les Hétéroptères (punaises), les Homoptères (cigales, cicadelles) et le Diptères (moustiques),...');" onmouseout="killlink()">rostre, la mord et la secoue pour en dégager l'encre, qui se répand aux alentours. La préparation n'est pas terminée. Le dauphin descend vers le fond et racle puissamment le MollusqueUne des grandes divisions du règne animal, comprenant les animaux à corps mou, généralement pourvus d\'une coquille, et chez lesquels les ganglions ou centres nerveux ne présentent pas d\'arrangement général défini. Ils sont généralement connus sous la dénomination de moules et de coquillages ; la...');" onmouseout="killlink()">mollusque sur le sable pour décrocher l'os de seiche. Alors seulement, la dégustation peut commencer.
L'encre de céphalopodes, expliquent les auteurs, est constituée de MélaninePigment de couleur foncée qui produit le noir, gris, brun, beige et les couleurs intermédiaires.');" onmouseout="killlink()">mélanine, connue pour inhiber les secrétions GastriqueSignifie " relatif à l\'estomac ".');" onmouseout="killlink()">gastriques, et d'autres composants, dont on pense qu'ils réduisent l'efficacité de la chimio-réception. La retirer avant de manger la seiche faciliterait donc la DigestionLa digestion est le processus au cours duquel les aliments sont dégradés dans l\'appareil digestif, pour être transformés en substances simples qui peuvent, grâce à un phénomène d\'absorption, passer dans la circulation sanguine.');" onmouseout="killlink()">digestion et la rendrait meilleure au goût...
Cette préparation a pu être observée à sept reprises deux années de suite, accomplie par la même femelle. Les auteurs rapportent des témoignages occasionnels de plongeurs ayant observé le même comportement. De plus, des os de seiche en grand nombre flottaient en surface aux endroits où venaient de chasser des dauphins. Il semble donc probable que d'autres dauphins adoptent la même technique culinaire.
Comment tuer une seiche géante et la préparer pour en faire un bon repas (cliquer sur l'image pour l'agrandir). Foncer sur l'animal (A). Le frapper violemment en s'aidant éventuellement du fond sableux (B). Remonter la seiche (C). La secouer énergiquement jusqu'à ce que toute l'encre soit sortie (D). La transporter vers un fond sableux et la frotter pour déchirer la peau DorsaleChaîne de montagnes sous-marine, alignées sur près de 60 000 km et localisées à la limite de deux plaques lithosphérique divergentes. Elles sont situées, généralement, à plus de 1 000 m de profondeur; parfois les sommets émergent. En leur milieu s\'observe habituellement un fossé tectonique (rift)....');" onmouseout="killlink()">dorsale et extraire l'os (E). Servir immédiatement (F). © Julian Finn, Tom Tregenza, Mark Norman/PlosOneLes observations sont bien trop peu nombreuses pour tenter de comprendre comment un tel comportement est transmis d'une génération à l'autre. Génétiquement ou par apprentissage ? On sait que les dauphins et d'autres cétacés sont capables de comportements complexes. Les auteurs rappellent qu'une femelle de la même EspèceGroupe d\'êtres vivants pouvant se reproduire entre eux (interfécondité) et dont la descendance est fertile.
L\'espèce est l\'entité fondamentale des classifications, qui réunit les êtres vivants présentant un ensemble de caractéristiques morphologiques, anatomiques, physiologiques,...');" onmouseout="killlink()">espèce a été vue fouillant le fond après avoir protégé son rostre à l'aide d'une éponge. Tous les plongeurs ayant exploré des fonds coralliens sans avoir pris la précaution de mettre des gants comprendront l'intérêt de la manœuvre. Au large de Brest, des populations de dauphins adoptent une technique de chasse astucieuse, consistant à se placer devant un étroit passage entre des rochers affleurant et ce au bon moment par rapport à la MaréeTerme générique qui indique les tensions de type gravitationnel qu\'un ou plusieurs corps induisent à la surface d\'un astre. La Terre est particulièrement sujette aux forces d\'attraction de la Lune et du Soleil, lesquels (particulièrement la première) produisent leurs effets les plus sensibles sur...');" onmouseout="killlink()">marée. S'engouffrant dans cet entonnoir naturel, le flot leur apporte alors une jolie cargaison de poissons. Les baleines affolent les poissons par un cercle de bulles, etc.Un comportement d'apprentissage a été observé en détail chez l'orque par Christophe Guinet (Centre d'Etudes Biologiques de Chizé). Des femelles enseignent à leur progéniture comment s'échouer volontairement sur une plage pour attraper des jeunes éléphants de mer.
Ces comportements sont encore très peu étudiés et on connaît mal la manière dont ils sont acquis et transmis. Par exemple, chez les dauphins, ils semblent plus fréquents chez les femelles. L'éponge protectrice n'était pas utilisée par les descendants mâles de la femelle qui l'utilisait. Pourquoi ? Les spécialistes des cétacés ont encore devant eux des milliers de questions de ce genre et donc de longues années d'observations...
La femelle en pleine action. La seiche est tuée d'un seul coup (A), remontée en pleine eau (B), vidée de son encre (C), emportée vers un fond sableux dégagé et dévorée (D). © Julian Finn, Tom Tregenza, Mark Norman/PlosOnehttp://www.futura-sciences.com/fr/news/t/zoologie/d/la-recette-de-la-seiche-a-la-facon-des-dauphins_18160/#xtor=RSS-8
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Trente ans après la naissance du premier bébé éprouvette, autorisera-t-on la création d'embryons utilisés pour la recherche scientifique ?
«Le bébé se porte bien» : il y a trente ans, le 25 juillet 1978, naissait Louise Brown, le premier enfant conçu par fécondation in vitro. À l'origine de ce succès, deux hommes : le biologiste Robert Edwards et le gynécologue Patrick Steptoe.
Ponction d'ovocytes
Lauréat en 2001 du prestigieux Lasker Award for Clinical Medical Research [1], Robert Edwards souligne le long chemin parcouru depuis ses premiers travaux, en 1955, chez la souris. Et l'apport décisif de Patrick Steptoe.
Au début des années 1960, pendant qu'Edwards bataille avec ses boîtes de culture, ne disposant que de rares ovocytes extraits de fragments ovariens, Steptoe met au point le premier laparoscope : il est dès lors possible de ponctionner des ovocytes chez des patientes !
La collaboration entre les deux hommes débute en 1968. Trois ans plus tard, en 1971, Edwards a la joie d'observer, sous son microscope, des embryons parvenus au stade pré-implantatoire. Suivent les premiers transferts d'embryons chez des femmes, et trois années d'échecs. Il s'est en effet trouvé que l'hormone utilisée dans l'espoir de favoriser l'implantation des embryons dans l'utérus avait l'effet inverse...
Naissance de Louise Brown
Changement d'hormone, suivi enfin ! d'une première grossesse. Las, elle est extra-utérine, et doit être interrompue. Deux ans plus tard, la naissance de la petite Louise conclut victorieusement cette longue marche. Et aujourd'hui, on ne compte plus les enfants conçus par FIV classique ou par ICSI (le spermatozoïde est injecté directement dans l'ovocyte).
En parallèle, la FIV a ouvert tout un champ de recherche allant bien au-delà de la volonté de pallier les stérilités. On l'utilise aujourd'hui dans la recherche sur les cellules souches embryonnaires l'embryon étant la source de ces cellules. Des recherches qui, dans certains pays, s'accompagnent de tentatives de créer des embryons autrement que par fécondation, par exemple par clonage.
Paradoxalement, on ignore encore beaucoup de choses sur les paramètres qui régissent le succès d'une FIV le taux de réussite n'est que de 30 % à 40 %, dans le meilleur des cas.
Comment restreindre ces zones d'ombre ? C'est d'autant plus difficile que la recherche sur les embryons obtenus par FIV est, sauf dérogation, interdite par la loi française. Quant à la création d'embryons pour la recherche, elle est complètement interdite [2].
Révision de la loi de bioéthique
L'autoriser présenterait-il un intérêt ? Cette question sera peut-être soulevée lors de la révision de l'actuelle loi de bioéthique, au plus tôt en 2009, au plus tard en 2011. Nous l'avions posée à René Frydman lors de l'entretien qu'il nous a accordé en juin dernier sur les avancées et les insuffisances de l'assistance médicale à la procréation.
Nous l'avons reposée à quatre autres protagonistes de ce débat, avec pour contrainte d'y apporter une réponse courte. Ils ont relevé le défi. Lisez leur réaction.
Cécile Klingler
http://www.larecherche.fr/content/actualite/article?id=23668
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Suivre la formation d'un embryon de vertébré en temps réel, cellule par cellule : c'est la prouesse réalisée par une équipe allemande. Une révolution dans l'imagerie du vivant.
Ce film montre le développement cellule par cellule d'un embryon de poisson-zèbre durant les premières 24 heures. La couleur orange indique que la cellule bouge d'au moins 1,2 micromètre par minute, la couleur bleue, que la cellule est immobile. (© Philipp Keller, EMBL)
En 1983, le Britannique John Sulston frappait les esprits en observant en temps réel le développement embryonnaire du ver Caenorhabditis elegans.Adulte, l'animal comporte seulement 959 cellules. À cette aune, on mesure l'avancée que constituent les travaux de Philipp Keller et de son équipe du laboratoire européen de biologie moléculaire à Heidelberg [1] : ils ont observé les 24 premières heures d'un embryon de poisson-zèbre, plus gros et moins transparent que celui de Caenorhabditis - au bout d'une journée, il comporte 20 000 cellules.
Protéine fluorescente
Pour ce faire, les biologistes allemands ont injecté dans l'oeuf juste fécondé des ARN messagers codant une protéine fluorescente se fixant à l'ADN. Puis ils ont suivi les noyaux cellulaires par microscopie avec illumination laser : un faisceau laser plan et fin a balayé l'embryon horizontalement et verticalement pendant 24 heures, la fluorescence émise par les cellules étant enregistrée à raison de 400 images toutes les 60 ou 90 secondes.
C'est cette technique de microscopie tridimensionnelle qui a permis un suivi de 24 heures. « Contrairement aux techniques employées jusqu'alors, le faisceau lumineux se déplace ici très rapidement, ce qui réduit son effet phototoxique sur les cellules, explique Thierry Darribère, de l'université Pierre-et-Marie-Curie à Paris.Le suivi peut donc durer plus longtemps, et il n'est pas exclu qu'on puisse le prolonger au-delà de 24 heures. »
Résultat : 400 000 images à partir desquelles les chercheurs ont établi, grâce à des algorithmes innovants d'analyse d'image, une base de données numériques répertoriant la position de chaque cellule au cours du temps. Ils ont alors reconstruit un « embryon numérique » en trois dimensions. On y visualise la position des cellules et leurs déplacements avec une grande précision, aussi bien à l'endroit qu'à rebours [2].
Cela permet de remonter à l'origine cellulaire des organes dont les ébauches sont en place au bout de 24 heures - les auteurs ont ainsi retracé le cheminement des cellules de la rétine. Reste à appliquer cette méthode à d'autres vertébrés. C'est ce à quoi s'attelle l'équipe allemande.
Sandrine Etien
http://www.larecherche.fr/content/actualite/article?id=24436
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La stimulation intracérébrale pourrait être utilisée pour traiter des patients atteints de troubles obsessionnels compulsifs (TOC). Une étude montre que les symptômes ont diminué chez deux tiers des patients au bout de trois mois. Précisions avec Luc Mallet, psychiatre et directeur de l'équipe Inserm Avenir "Comportement, émotion et ganglions de la base".
Pourquoi utiliser la stimulation intracérébrale contre les TOC ?
LUC MALLET : Le traitement usuel de ce genre de troubles consiste à combiner thérapie comportementale et antidépresseurs. Mais chez un tiers des patients, cela ne donne aucun résultat. Or, certains malades sont tellement atteints par des comportements répétitifs qu'ils ne peuvent avoir aucune vie sociale. Les psychiatres cherchaient donc d'autres méthodes.
Et récemment, on a découvert que la stimulation intracérébrale profonde pouvait être efficace. Cette technique consiste à implanter deux microélectrodes dans le cerveau et à les alimenter par un stimulateur placé sous la peau. L'équipe de Bart Nuttin est la première à l'avoir utilisée pour les TOC à l'université catholique de Louvain en 1999. Depuis, on tâtonne pour savoir quelle zone stimuler. Nous sommes les premiers à tester les noyaux sous-thalamiques [1] .
Pourquoi choisir cette zone ?
Les noyaux sous-thalamiques sont impliqués dans les troubles moteurs de la maladie de Parkinson. En 2002, en stimulant cette zone chez des « parkinsoniens », on a découvert fortuitement que cela réduisait les TOC dont ces patients souffraient également. Après avoir étudié ces noyaux, nous pensons aujourd'hui qu'il s'agit d'un carrefour de traitement des informations motrices, émotionnelles et cognitives, essentiel à l'équilibre du comportement. Leur dérèglement pourrait donc contribuer aux TOC.
Comment avez-vous mené votre étude ?
Nous avons réparti nos seize patients, tous sévèrement atteints, en deux groupes. Tous ont été implantés au début mais chaque groupe a été stimulé alternativement pendant trois mois, sans que les patients et les experts chargés de les évaluer connaissent la période de stimulation. C'est la première fois qu'une étude de ce type était menée de manière si contrôlée. Nous avons comparé les effets obtenus en période de stimulation et de non-stimulation. Dans l'ensemble, les résultats sont très encourageants. Chez deux tiers des patients, on note une nette amélioration : plus de 25 % de leurs symptômes ont disparu au bout de trois mois.
Cette technique est-elle risquée ?
Elle présente les risques d'hémorragie ou d'infection inhérents à toute opération neurochirurgicale. La stimulation elle-même peut provoquer des effets secondaires comportementaux, par exemple un état d'excitation transitoire, qui disparaît après un ajustement de certains paramètres.
Que peut-on en conclure ?
Il est trop tôt pour utiliser ce traitement en clinique. Nous devons suivre nos premiers patients pendant plusieurs années pour vérifier si leur amélioration se confirme. Nous voulons aussi tester deux zones voisines, le striatum ventral et le noyau accumbens, afin de trouver la localisation la plus sûre et la plus efficace. [1]
Propos recueillis par Marie-Laure Théodule
http://www.larecherche.fr/content/actualite/article?id=24697
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Dans son dernier numéro actuellement en kiosque, La Recherche vous raconte le pari perdu de Stephen Hawking, ou l'affrontement scientifique qui a opposé trente années durant des physiciens théoriciens de renom. Objet du débat : la disparition de l'information contenue dans les trous noirs. Dans le bestiaire céleste, ces astres sombres, qu'ils soient primordiaux, stellaires ou supermassifs sont au coeur de recherches actives. En atteste ce récent résultat présenté à l'American Astronomical Society meeting.
À priori, la gravité extrêmement forte des trous noirs devrait réduire en lambeaux les nuages de gaz et de poussières, dans lesquels naissent de nouvelles étoiles, qui se trouvent dans leur voisinage. Or, de nouvelles étoiles se forment bel et bien à proximité de ces géants sombres. Pourquoi ? À la grand-messe annuelle de l'American Astronomical Society, des chercheurs viennent de proposer une explication éventuelle à ce paradoxe : ces berceaux d'étoiles seraient suffisamment denses pour conserver leur unité malgré la violente attraction des trous noirs.
Ce sont des observations du gigantesque trou noir présent au coeur de la Voie Lactée qui ont conduit à cette conclusion. Ce géant cosmique est quatre millions de fois plus massif que le soleil. Pourtant, des étoiles ont été découvertes à seulement quelques années-lumière. Pour comprendre comment elles se forment, l'astronome Elizabeth Humphreys et ses collègues du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics de Cambridge, dans le Massachussets, ont scruté le coeur de notre galaxie. Ils ont utilisé le Very Large Array (VLA), un radiotelescope géant de 27 antennes paraboliques situé au Nouveau-Mexique.
En recherchant un signal radio typique de la formation d'étoiles, les chercheurs ont découvert deux de ces jeunes astres naissants, à 7 et 10 années-lumière du centre de la galaxie, qui n'avaient jamais été observés auparavant. Leurs observations ont aussi révélé que la densité du gaz dans la région était de dix à mille fois plus importante qu'on ne le pensait.
«Le gaz est tellement dense que sa propre gravité lui permet de résister à l'effet destructeur du trou noir », explique Elizabeth Humphreys, qui précise que les modèles du centre de notre galaxie doivent maintenant être revus en tenant compte de cette nouvelle valeur de densité. Selon les chercheurs, ce résultat va dans le même sens que ceux récemment obtenus par simulation informatique de la formation d'étoiles dans le voisinage d'un trou noir.
Source : Science
http://www.larecherche.fr/content/actualite/article?id=24857
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