• Vivons vieux, vivons stériles !

    L'ablation des cellules germinales allonge notablement la durée de vie... du moins chez les vers nématodes. Au cœur des mécanismes en jeu, les lipides et leur métabolisme.

    Loïc Mangin

    La reproduction et le vieillissement sont deux phénomènes reliés. En 1999, Honor Hsin et Cynthia Kenyon, de l'Université de Californie à San Francisco, avaient montré que la suppression des cellules germinales, à l'origine des gamètes (ovules et spermatozoïdes), allonge la durée de vie des vers nématodes Caenorhabditis elegans de 60 pour cent. Ce lien a également été mis en évidence chez la mouche drosophile. Hugo Aguilaniu, de l'École normale supérieure de Lyon (CNRS-UMR5239, Univ. Lyon Cl. Bernard) et ses collègues en ont précisé les bases moléculaires.

    À partir d'animaux dépourvus de cellules germinales, ils ont d'abord recherché ceux dont la durée de vie n'est pas augmentée : l'idée est d'identifier une mutation d'un gène qui, lorsqu'il est intègre, joue un rôle dans l'accroissement de la longévité. Ainsi fut mis en évidence le gène nhr-80. Son importance a été confirmée chez des vers stériles où le gène est surexprimé : l'espérance de vie est 2,5 fois supérieure à celles de nématodes normaux !

    Quelle est la fonction de ce gène ? Il code un récepteur nucléaire ; autrement dit, enchâssé dans la membrane du noyau, le gène nhr-80est activé par un messager cytoplasmique (dont on ignore encore la nature) et préside à une cascade de réactions conduisant à la modification de l'expression de plusieurs gènes. Parmi ces derniers, les biologistes ont repéré le gène fat-6 qui code une enzyme transformant l'acide stéarique en acide oléique. Le premier est un acide gras saturé, à l'inverse du second. La durée de vie des vers dont le gène fat-6 est muté n'est pas allongée. Le récepteur nucléaire daf-12, activé par des hormones stéroïdiennes, serait un autre acteur essentiel.

    Ainsi, le métabolisme des lipides est au cœur des relations entre reproduction et durée de vie. Les prochains travaux consisteront à découvrir les étapes en aval de cette « désaturation » et à expliquer comment elle augmente l'espérance de vie. Selon H. Aguilaniu, ces liens et les gènes impliqués existent vraisemblablement aussi chez les mammifères. Dès lors, on peut imaginer des traitements pour différents troubles liés à l'âge... sans nécessairement procéder à l'ablation des cellules germinales.

    http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actualite-vivons-vieux-vivons-steriles-26727.php

    © Max Planck Institute/J. Berger
    © Max Planck Institute/J. Berger

    Le ver Caenorhabditis elegans.

    POUR EN SAVOIR PLUS

    J. Goudeau et al.Fatty acid desaturation links germ cell loss to longevity through NHR-80/HNF4 inC. elegansPloS Biology, 9(3), e1000599, 2011.

    H. Hsin et C. Kenyon, Signals from the reproductive system regulate the lifespan of C. elegansNature, vol. 399, pp. 362-366, 1999.

    L'AUTEUR

    Loïc Mangin est rédacteur en chef adjoint à Pour la Science.

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