• Virus A(H1N1) : d'où vient sa virulence ?

    L'interaction avec des récepteurs pulmonaires et des facteurs immunitaires semblent expliquer la virulence du virus grippal A(H1N1) chez certaines personnes.

    Jean-Jacques Perrier
    Le nouveau virus de la grippe A(H1N1) est-il plus dangereux que le virus saisonnier ? La mort, mi-septembre, de deux Français apparemment en bonne santé, âgés de 26 et 29 ans, repose une question qui plane depuis le début de la pandémie. Tous deux sont décédés d'une pneumonie suivie d'un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), l'un de façon fulgurante, l'autre au bout de plusieurs semaines d'hospitalisation en Grèce.

    Or l'équipe de Ten Feizi, de l'Imperial College de Londres, vient de mettre en évidence un mécanisme qui expliquerait que le virus provoque de plus graves symptômes que le virus saisonnier, chez certaines personnes. Tous les virus de la grippe infectent les cellules de l'appareil respiratoire en se fixant à des récepteurs. Ces récepteurs sont des molécules d'acide sialique liées à un galactose par des liaisons nommées alpha-2,6 et alpha-2,3. Or, expliquent T. Feizi et ses collègues, alors que le virus saisonnier s'attache aux récepteurs alpha-2,6 présents sur les cellules de l'appareil respiratoire supérieur, le virus A(H1N1) a la particularité de se lier aussi aux récepteurs alpha-2,3 qui tapissent l'appareil respiratoire inférieur, provoquant des lésions et une infection plus grave.

    Cette conclusion corrobore des résultats obtenus en juillet chez la souris, le furet et le macaque par l'équipe de Ron Fouchier, du Centre Erasmus de Rotterdam, et plusieurs équipes japonaises coordonnées par Yoshihiro Kawaoka, à l'Université de Kobé : ils montraient que le nouveau virus s'installe dans les alvéoles pulmonaires et qu'il provoque des lésions bronchiques et pulmonaires plus nettes que le virus saisonnier (voir la photo).

    Selon Antoine Flahault, professeur d'épidémiologie à l'École des hautes études en santé publique, les données de l'île Maurice et de la Nouvelle-Calédonie indiquent que la mortalité « directe » du virus de 2009, par SDRA, est bien supérieure à celle du virus saisonnier : de l'ordre de 1 pour 10 000, contre 1 pour un million. Les données mexicaines publiées le 13 août ne donnent pas de statistiques globales, mais confirment qu'au moins sept sujets jeunes et en bonne santé sont décédés de cette grippe entre le 24 mars et le 24 avril 2009, sur 18 cas de pneumonie dus au virus. D'après une publication espagnole du 15 septembre, sur 32 adultes admis en réanimation pour pneumopathie virale entre le 23 juin et le 31 juillet 2009, seuls 16 souffraient d'une pathologie préexistante.

    Ces faits suggèrent que des facteurs individuels sont en jeu : les caractéristiques individuelles des récepteurs viraux pourraient en faire partie ; mais aussi des variations de la qualité des réponses immunitaires. Une étude de l'équipe de Béatrice Riteau, à l'INRA de Jouy-en-Josas, montre ainsi que diverses souches de virus de la grippe A déclenchent, dans les cellules des alvéoles pulmonaires, la production de molécules HLA-G, connues pour inhiber les réactions immunitaires. En fabriquant ces molécules, les cellules infectées par H1N1 ne seraient pas reconnues par le système immunitaire et ne seraient pas détruites, permettant au virus de proliférer dans l'organisme. Les molécules HLA-G étant essentiellement synthétisées lors de la grossesse, cette découverte pourrait également expliquer la plus grande vulnérabilité des femmes enceintes vis-à-vis du virus A(H1N1). En effet, en produisant de très grandes quantités de molécules HLA-G, leur système immunitaire serait inhibé avant même que l'infection grippale ne survienne.

    http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actualite-virus-a-h1n1-d-ou-vient-sa-virulence-23413.php

    Virus A(H1N1) : d'où vient sa virulence ?
    Yoshihiro Kawaoka
    En juillet dernier, la publication d'une équipe japonaise montrait le virus grippal A(H1N1) (en rouge), présentant une forme filamenteuse inhabituelle, en train de bourgeonner de cellules pulmonaires infectées.

    à voir aussi

    Zachary Shriver et al., Chemistry & Biology, vol. 16, 28 août 2009, Elsevier Ltd
    Les virus grippaux de type A se fixent sur les cellules qu'ils infectent par l'intermédiaire d'une glycoprotéine, l'hémagglutinine (HA) — les autres protéines de la surface virale sont la neuraminidase (NA) et la protéine M2. L'hémagglutinine se lie à des récepteurs cellulaires de type glycanes (en noir) dont la partie terminale est formée par de l'acide sialique (en vert et en rouge), lié à une molécule de galactose. Cette interaction amorce l'entrée du virus dans la cellule cible. Elle est spécifique des différentes souches virales et dépend de la structure des récepteurs glycanes. Alors que les virus saisonniers se lient uniquement aux récepteurs porteurs d'acide sialique lié au galactose par une liaison de type α2,6 (présents au niveau de l'appareil respiratoire supérieur), l'hémagglutinine du virus A(H1N1) se lie à la fois aux récepteurs de type α2,6 et α2,3 (présents au niveau des cellules respiratoires inférieures, dans les poumons).

    L'auteur

    Jean-Jacques Perrier est journaliste à Pour la Science.

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