• Une forme très primitive d'agriculture chez les amibes

     

    Ces tiges surmontées d'un globe - ou sporocarpe - sont constituées d'amibes © SCOTT SOLOMON

    Des organismes unicellulaires sèment les bactéries dont ils se nourrissent. Photo : © SCOTT SOLOMON

    Elles colonisent les cours d’eau, les canalisations ou même, parfois, l’homme : les amibes, minuscules organismes unicellulaires, sont présentes dans la plupart des milieux riches en eau. Parmi les espèces répertoriées, les amibes Dictyostelium discoideum sont les plus surprenantes : elles vivent en communauté ! On les qualifie "d’amibes sociales". 

    Cette caractéristique, mise en évidence au milieu des années 1970, leur vaut depuis une attention particulière de la part des scientifiques. Et en les étudiant, l’équipe de Joan Strassmann, de l’université Rice, au Texas, vient de mettre en évidence un comportement jamais observé auparavant chez un organisme unicellulaire : les amibes sociales pratiquent une forme primitive d’agriculture. 

    Quand les bactéries dont elles se nourrissent se raréfient, les amibes sociales ont pour particularité de s’agréger pour former une sorte de limace. Longue d'environ 0,5 centimètres, formée de milliers d’amibes, cette structure migre à la recherche d’un sols plus riche en nourriture. Là, elle prend la forme d'une tige verticale surmontée d'un globe, le sporocarpe. Les amibes qui constituent se dernier se différencient alors en spores, lesquelles se disséminent puis donnent naissance à des amibes individuelles. Et ce cycle recommence quand la nourriture commence à manquer. 

    Stockage

    Or, en étudiant les sporocarpes de 35 groupes d’amibes distincts, l’équipe de l’université Rice a découvert que certains contenaient des bactéries. Leur présence était-elle occasionnelle, liée à une infection ? Pour le savoir, les biologistes ont éliminé les intruses avec des antibiotiques, puis ont déposé les amibes ainsi traitées dans un environnement riche en bactéries. Au bout de 24 heures, ils en ont retrouvées dans les sporocarpes. Les chercheurs en ont conclu que les amibes stockent une partie des bactéries qu’elles engloutissent. Puis, ils ont constaté qu'une fois les ressources du sol épuisées, elles transportent ces bactéries avec elles lors de leur quête d’un milieu plus favorable. Arrivées à destination, elles les relarguent. Ces bactéries prospèrent alors, et les amibes s’en nourrissent. 

    Cela dit, les biologistes ont aussi observé que seul un tiers des amibes se comportent en "fermières", les autres consommant toutes les bactéries disponibles. "Cela montre que chez les amibes sociales, deux stratégies évolutives co-existent, explique Audrey Dussutour, du Centre de Recherches sur la Cognition Animale, à Toulouse. Or, une telle co-existence est très rare dans le règne animal. Généralement, pour une espèce donnée, une seule stratégie est privilégiée." 

    Comment expliquer cette coexistence ? La question est aujourd’hui sans réponse. Une chose est sûre, les bénéfices et coûts respectifs de ces deux stratégies se complètent. Les fermières ne risquent pas de mourir de faim mais, les chercheurs l’ont constaté, elles se reproduisent moins efficacement que leurs congénères. Quant à ces dernières, elles s’épargnent certes le risque de transporter des bactéries qu’elles ne choisissent pas et dont certaines peuvent s’avérer infectieuses, mais elles s’exposent aux disettes.

    Marine Cygler

    Photo: Ces tiges surmontées d'un globe – ou sporocarpe – sont constituées d'amibesDictyostelium discoideum. Le sporocarpe contient également des bactéries prêtes à être semées dans l'environnement.

    D.A. Brock & al., Nature, 469, 393, 2010.

    http://www.larecherche.fr/content/actualite-vie/article?id=29491


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