• Une cellule familiale chez Néandertal

    Les restes de 12 Néandertaliens trouvés dans le même site du Nord de l'Espagne livrent les premiers enseignements sur le comportement familial de cette espèce humaine.

    Jean-Jacques Perrier

    Pour la première fois, l'histoire familiale d'un groupe de Néandertaliens a pu être reconstituée. Carles Lalueza-Fox et ses collègues de l'Institut de biologie évolutive de Barcelone ont étudié les fragments osseux de 12 individus exhumés dans le site karstique d'El Sidrón, dans les Asturies.

    D'après l'analyse morphologique des fragments, tous datés d'il y a 49 000 ans, le groupe comprenait trois hommes, trois femmes, trois adolescents, dont au moins deux garçons, et trois enfants de deux à neuf ans, de sexe indéterminé. Les restes présentent en outre des marques de cannibalisme, ce qui signifie probablement que les individus ont été tués simultanément ou successivement puis dépecés par d'autres Néandertaliens (l'homme moderne n'étant pas arrivé dans la région à l'époque).

    Les paléoanthropologues ont extrait des fossiles leur ADN mitochondrial, hérité de la mère, et l'ont séquencé, définissant ainsi plusieurs lignées génétiques d'origine maternelle. Ils ont aussi recherché la présence du chromosome Y, hérité du père et propre au sexe mâle. Il ressort que sept individus appartiennent à une même lignée, quatre à une deuxième, et un seul, une femme, à une troisième. Les trois femmes étaient chacune d'une lignée maternelle différente, alors que les trois hommes étaient de la même lignée, ce qui laisse supposer qu'ils étaient peut-être frères, oncles ou neveux. Deux des femmes, non apparentées aux hommes, étaient sans doute leurs partenaires, et l'une d'elles était la mère de deux des enfants. La troisième femme, de la même lignée maternelle que les trois hommes (une sœur ou une nièce ?), aurait mis au monde le troisième enfant.

    Des études d'ADN nucléaire seraient nécessaires pour affirmer ces relations de parenté. Quoi qu'il en soit, il semble que le groupe avait un comportement dit patrilocal, commun aujourd'hui : les femmes quittaient leurs clans pour intégrer ceux de leurs conjoints. Enfin, l'âge des deux jeunes frères suggère qu'ils sont nés à trois ans d'intervalle, un écart comparable à celui observé dans les populations de chasseurs-cueilleurs modernes.

    Ces conclusions reposent cependant sur l'hypothèse que les individus sont morts en même temps. Cependant, il reste possible qu'ils soient décédés à différentes époques rapprochées, il y a environ 49 000 ans, et que ce soit la géologie qui ait provoqué leur rassemblement dans les sédiments de la galerie, donnant l'apparence d'un seul groupe contemporain. L'étude géologique montre en effet qu'une galerie supérieure où se seraient trouvés les corps s'est effondrée dans la galerie des Ossuaires où ils se trouvent aujourd'hui, les recouvrant alors de terre et de cailloux. Mais C. Lalueza-Fox et ses collègues ne croient guère à cette hypothèse, notant que « l'accumulation récurrente au cours du temps d'individus victimes de cannibalisme et qui étaient apparentés par la lignée maternelle semble moins plausible ».

    © El Sidrón Research Team
    © El Sidrón Research Team

    La galerie des Ossuaires du site d’El Sidrón où ont été exhumés les fragments osseux néandertaliens.

    À VOIR AUSSI

    © El Sidrón Research Team
    © El Sidrón Research Team

    Une mandibule, un os de la hanche et un péroné néandertaliens trouvés à El Sidrón.

    POUR EN SAVOIR PLUS

    C. Lalueza-Fox et al.Genetic evidence for patrilocal mating behavior among Neandertal groupsPNAS, vol. 108, pp. 250-253, 2011.

    L'AUTEUR

    Jean-Jacques Perrier est journaliste àPour la Science.

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