• Système solaire : collisions à l'horizon

    De nouvelles simulations révèlent un risque faible, mais non négligeable, que des collisions entre les planètes du Système solaire se produisent dans les cinq prochains milliards d'années.
    Philippe Ribeau-Gésippe

     

    Le problème de la stabilité du Système solaire est l'un des plus vieux problèmes de la physique. Si l'on calcule le mouvement d'une seule planète autour du Soleil, on retrouve bien le mouvement elliptique décrit par Kepler. Mais les planètes du Système solaire exercent les unes sur les autres une attraction gravitationnelle qui vient s'ajouter à celle du Soleil et perturbe leur mouvement elliptique régulier. Ces perturbations peuvent-elles à long terme rendre les orbites imprévisibles et conduire à des collisions entre planètes ? En d'autres termes, le système Solaire est-il stable ? Depuis Newton, de nombreux physiciens ou mathématiciens se sont attaqués à ce problème épineux, qui ne peut être résolu de façon exacte.

     

     

    Un ensemble de simulations numériques que viennent de mener Jacques Laskar et Mickael Gastineau, de l'Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides, à l'Observatoire de Paris, montre que dans un pour cent des cas environ (c'est-à-dire dans plus d'une vingtaine de simulations sur 2 500), le Système solaire est instable : des collisions entre planètes ou avec le Soleil surviennent en moins de 5 milliards d'années.

     

     

    Il y a une vingtaine d'années, J. Laskar avait déjà montré par des simulations sur ordinateur que le mouvement du Système solaire est chaotique. Dès lors, en raison de la sensibilité aux conditions initiales, impossible de prédire les trajectoires des planètes au-delà d'une durée de quelques dizaines de millions d'années. De même, impossible de se contenter d'un seul calcul : seule une vision statistique sur un grand nombre de simulations, menées avec des conditions initiales légèrement différentes, a un sens pour décider si une collision se produira dans le Système solaire d'ici la mort du Soleil, dans cinq milliards d'années.

     

     

    En 1994, J. Laskar a montré qu'en raison de la proximité d'une résonance entre l'orbite de Mercure et celle de Jupiter (une résonance est un rapport entier entre les périodes orbitales, qui renforce de façon répétée les perturbations mutuelles), la variabilité de l'excentricité de Mercure (l'élongation de son orbite) est telle qu'une collision avec Vénus est possible d'ici cinq milliards d'années. Pour parvenir à ce résultat, l'astronome avait cependant utilisé des équations moyennées. Or cette approximation, si elle permet de réduire considérablement le temps de calcul, n'est plus valable au voisinage de la collision.

     

     

    La dernière étude réalisée par J. Laskar et M. Gastineau lève ces approximations gênantes. Les deux chercheurs ont calculé les trajectoires des planètes du Système solaire pour plus de 2 500  conditions initiales, dans le cadre d'un modèle réaliste qui intègre les effets de la relativité générale et, entre autres, la contribution de la Lune. L'ensemble a demandé pas moins de sept millions d'heures de calcul !

     

     

    Dans la majorité des solutions, le Système solaire continue de tourner sans souci : les orbites des planètes s'allongent et se décalent autour du Soleil, mais sans risque de collisions ou d'éjection. Dans un pour cent des cas, cependant, l'excentricité de Mercure augmente de façon considérable, au point de conduire à une collision avec Vénus ou le Soleil d'ici cinq milliards d'années, tandis que l'orbite de la Terre reste stable.

     

    En revanche, pour l'une de ces solutions critiques, l'augmentation de l'excentricité de Mercure provoque une cascade d'effets, qui aboutit d'ici 3,4 milliards d'années à une déstabilisation complète des planètes internes (Mercure, Vénus, la Terre et Mars). Pour préciser leur devenir, les chercheurs ont relancé 200 calculs à partir de cette déstabilisation. Résultat : Mars est éjectée dans cinq cas, et tous les autres conduisent en moins de 100 millions d'années à une collision entre deux planètes ou entre une planète et le Soleil, dont 48 impliquent la Terre. L'équilibre du Système solaire est plus fragile qu'il n'y paraît…


    http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actualite-systeme-solaire-collisions-a-l-horizon-22552.php

    Système solaire : collisions à l'horizon
    J Vidal-Madjar / NASA / IMCCE-CNRS
    En raison de l’évolution chaotique des orbites planétaires dans le Système solaire, une rencontre proche ou une collision entre la Terre et Mars d’ici 5 milliards d’années (comme sur cette vue d'artiste) n’est pas impossible, bien que le risque soit faible. 

    À VOIR AUSSI


    Cette figure montre l'état actuel des orbites de la Terre (en bleu), de Mercure (en blanc), Vénus (en vert) et Mars (en rouge).

    Après 3,3 milliards d'années, l'excentricité de la trajectoire de Mercure (en blanc) est devenue assez grande pour qu'une collision avec Vénus (en vert) soit possible.
    © IMCCE (Observatoire de Paris/UPMC/CNRS)
    La déformation des orbites est telle que la Terre est, par moments, plus proche du Soleil que Vénus. Une collision entre Vénus (en vert) et la Terre (en bleu) est alors possible.
    © IMCCE (Observatoire de Paris/UPMC/CNRS)
    L’évolution de l’excentricité de Mercure sur 5 milliards d’années illustre bien le caractère chaotique du Système solaire : les 2500 solutions calculées ne diffèrent au départ les unes des autres que par un écart de 0,38 millimètre sur le demi-grand axe de l’orbite de Mercure, soit 95 centimètres de différence entre les deux conditions initiales les plus extrêmes.

    POUR EN SAVOIR PLUS

    J. Laskar et M. Gastineau, Existence of collisional trajectories of Mercury, Mars and Venus with the Earth , Nature, vol. 459, pp. 817 – 819, 11 juin 2009.

    L'AUTEUR

    Philippe Ribeau-Gésippe est rédacteur àPour la Science.

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