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Pleurodeles waltl, Le triton qui se prenait pour un X-man
Le triton espagnol se protège en faisant jaillir ses côtes à travers sa peau, qui deviennent autant de pointes effilées et toxiques.
Parmi les X-men, des super-héros créés par Stan Lee et Jack Kirby dans les années 1960, il en est un, nommé Wolverine ou Serval (apparu en 1974), doté de griffes en métal acérées qui sortent du dos de ses mains. Egon Heiss, de l'Université de Vienne, en Autriche, et ses collègues, ont étudié un système de défense similaire, celui du pleurodèle de Waltl (Pleurodeles waltl), aussi appelé triton espagnol. Seule différence, chez l'amphibien, les griffes sortent... de la cage thoracique !
Comment fonctionne cette arme secrète ? Quand il est menacé et aculé, le reptile [batracien] s'immobilise, fait le dos rond et gonfle son thorax, d'où poignent alors, au niveau de zones orangées, des petites pointes. Simultanément, l'animal exsude une substance laiteuse toxique qui oint ces pointes. Et voilà le triton paré pour se défendre. Ce système fut découvert en 1879 par le zoologiste allemand Franz von Leydig, mais on en ignorait les détails.
À l'aide d'analyses tomographiques et radiographiques, l'équipe d'E. Heiss a montré que ces pointes sont en fait les extrémités des côtes. Ces os effectuent une rotation à partir de leur point d'ancrage sur la colonne vertébrale : l'angle par rapport à l'axe vertébral peut varier de 27 à 92 degrés, soit une amplitude de 65 degrés. Cette rotation est autorisée par les deux « têtes » de l'articulation des côtes avec la colonne (voir l'image ci-contre).
Plus étonnant encore. On pensait que les os traversaient des pores spécialement dévolus à cette fonction. Il n'en est rien : à chaque fois que les côtes sortent, elles perforent la peau, celle-ci, comme chez la plupart des amphibiens – et chez Wolverine ! –, se régénérant ensuite facilement. L'animal, immunisé contre son poison, produirait également des substances antibactériennes pour éviter l'infection des lésions qu'il s'inflige. Ce système de défense fondé sur une automutilation fait du triton espagnol un cas à part chez les amphibiens, voire dans l'ensemble du monde animal : des petites blessures valent mieux qu'une grande à l'issue incertaine !
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© E. Heiss
Un triton espagnol en position défensive. On distingue les extrémités de ses côtes qui traversent la peau et constituent ainsi des armes, d’autant qu’elles sont enduites d’une substance toxique.© E. Heiss
Deux radiographies d’un triton espagnol avant (à gauche) et après (à droite) une menace. On observe que les côtes ont effectué un mouvement de rotation d'une amplitude allant jusqu’à 65 degrés, de façon à saillir de la peau.© E. Heiss
Au niveau de l’articulation avec la colonne vertébrale, les côtes sont dotées de deux têtes qui autorisent des rotations de grande ampleur.L'auteur
Loïc Mangin est rédacteur en chef adjoint à Pour la Science.Pour en savoir plus
E. Heiss et al., Hurt yourself to hurt your enemy : new insights on the function of the bizarre antipredator mechanism in the salamandrid Pleurodeles waltl, Journal of Zoology, vol. 280, pp. 156-162, 2010.
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