• Les volcans du Petit Âge glaciaire

    Deux énormes éruptions volcaniques auraient provoqué le refroidissement de la période 1810-1819, la plus froide des 500 dernières années.

    Jean-Jacques Perrier

    Le 5 avril 1815, une gigantesque explosion déchira le dôme du Tambora, un volcan au repos depuis 5 000 ans sur l'île de Sumbawa, en Indonésie. Après une série de déflagrations les jours suivants, un panache de poussières et de cendres de près de 40 kilomètres de haut surmonta la montagne. Selon les climatologues, cet événement, ajouté à une baisse de l'activité solaire, a provoqué l'été froid et pluvieux de l'année 1816. En effet, de telles éruptions volcaniques émettent à plus de 10 kilomètres d'altitude un volume considérable de dioxyde de soufre. Ce gaz forme dans la stratosphère des aérosols d'acide sulfurique qui réfléchissent la lumière du soleil et provoquent un refroidissement de la basse atmosphère. Les poussières bloquent également le rayonnement solaire atteignant la Terre, mais elles restent beaucoup moins longtemps en suspension dans l'atmosphère que les aérosols acides.

    La froidure de 1816, l'« année sans été », a été précédée d'un refroidissement dès 1810, alors même que le « petit âge glaciaire » sévissait depuis le milieu du XIVe siècle, marqué par des hivers rigoureux et des étés humides, et quelques périodes de réchauffement. Une équipe franco-américaine a découvert qu'une autre gigantesque éruption volcanique, survenue en 1809, explique vraisemblablement les basses températures du début de la décennie 1810. Cependant, ils n'en ont pas retrouvé la trace dans les archives historiques... pour l'instant.

    Les chercheurs ont analysé des carottes de glace prélevées au Groenland et en Antarctique. Ils ont pu déterminer les proportions des quatre isotopes stables du soufre (soufre 32, 33, 34 et 36). En 2007, ils avaient établi que la composition isotopique du soufre résultant d'éruptions stratosphériques diffère de la composition du soufre des émissions moins puissantes, limitées à la troposphère. En effet, l'exposition du dioxyde de soufre aux ultraviolets de la haute atmosphère modifie le rapport entre les isotopes du soufre. Or les couches de glace remontant à 1809-1810 ont montré, comme celles de 1816 (correspondant à l'éruption du Tambora), une telle anomalie isotopique. Seule une grosse éruption volcanique est susceptible de produire la quantité de soufre détectée. En outre, le fait que l'on retrouve cette anomalie au Groenland et en Antarctique indique que l'éruption s'est produite à mi-chemin des deux pôles, c'est-à-dire dans la zone tropicale.

    Cette méthode a fait ses preuves pour d'autres périodes, remarque Mélanie Baroni, coauteur de cette étude et chercheur au Centre européen de recherche et d'enseignement des géosciences de l'environnement (CEREGE), à Aix-en-Provence. En 2008, elle a montré avec les mêmes collègues que les glaces de l'Antarctique conservent les signatures isotopiques de plusieurs éruptions stratosphériques : celles du Kuwae, en 1450, de 1259 (« l'événement inconnu »), de 1277, 1230 et de 1170, entre autres. Les chercheurs visent maintenant à perfectionner leur technique afin de pouvoir estimer la quantité de soufre émise par les phénomènes volcaniques des siècles passés, par comparaison avec des éruptions récentes bien étudiées, ce qui permettrait d'en déduire l'impact sur le climat à différentes périodes.

     

    http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actualite-les-volcans-du-petit-age-glaciaire-23774.php

    Les volcans du Petit Âge glaciaire
    USGS

    De juin à septembre 1991, l'une des plus importantes éruptions volcaniques du XXe siècle, celle du Pinatubo, aux Philippines, a émis plus de dix kilomètres cubes de cendres, et 17 millions de tonnes de dioxyde de soufre. Par comparaison, l'explosion du Tambora, en avril 1815, a vraisemblablement produit dix fois plus de poussières et de dioxyde de soufre. De quoi refroidir le climat à grande échelle pendant un ou deux ans. Une autre éruption tropicale, en 1809, semble avoir eu le même effet au début des années 1810.

    à voir aussi

    NASA
    Le Mont Tambora, en Indonésie, vu de l'espace. Ce volcan est toujours actif.

    Pour en savoir plus

    L'auteur

    Jean-Jacques Perrier est journaliste à Pour la Science.

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