• Les forêts des régions boréales en nette régression

    carte représentant la densité du couvert forestier de la région de Krasknoyarsk, en Sibérie centrale. En vert les forêts denses et moyennement denses, en jaune les zones faiblement boisées et en orange les prairies et les domaines agricoles.Questions à Thuy Le Toan, responsable du groupe « Biomass » du Centre d’études spatiales de la biosphère de Toulouse.

     

    Selon une étude américaine, le couvert forestier mondial aurait diminué de 101 millions d’hectares entre 2000 et 2005, soit une baisse de 3,1 %. C’est plus que les quelque 65 millions d’hectares mentionnés par la FAO. D’où vient ce désaccord ?

    T.L.T. Les estimations de la FAO sont fondées sur les déclarations des pays et concernent les surfaces forestières converties à d’autres utilisations ou disparues pour causes naturelles [1]. Alors que les chercheurs américains ont estimé les surfaces couvertes d’arbres à partir d’images satellitaires [2].

    Comment ont-ils procédé ?

    T.L.T. Ils ont utilisé les données fournies par le spectromètre de moyenne résolution Modis embarqué à bord des satellites de la NASA. L’idée était de repérer les zones où le couvert forestier a diminué entre 2000 et 2005, et ce, pour chacun des grands types de forêt. Ils ont ensuite sélectionné de façon aléatoire 541 blocs de 18,5 sur 18,5 kilomètres et comparé pour chacun d’eux les images du satellite Landsat en 2000 et 2005. Ils en ont déduit les zones où le couvert forestier avait disparu. L’extrapolation de ces données à la planète aboutit au chiffre de 101 millions d’hectares. Les forêts boréales comptant pour environ un tiers de cette perte. Ces valeurs sont toutefois à manipuler avec précaution. 

    Pourquoi ce bémol ? 

    T.L.T. Surtout parce que la densité d’échantillonnage – 0,22 % – est très faible. La déforestation peut donc toucher des zones non échantillonnées. Les tendances à la baisse sont cohérentes avec ce que l’on connaît par ailleurs, notamment au niveau des régions boréales. Nous venons par exemple de montrer, grâce à des mesures radar du satellite ALOS de l’agence spatiale japonaise JAXA, que les pertes en surface et en biomasse sont beaucoup plus importantes que prévu : jusqu’à – 16 % en dix ans dans certaines zones de Sibérie centrale [3]. L’augmentation des feux naturels, en lien avec la hausse des températures enregistrée depuis trente ans, est en cause. 

    Les satellites permettent-ils de faire la différence entre la déforestation et l’évolution naturelle des forêts ? 

    T.L.T. L’observation de la forme des zones concernées, de leur taille, de leur proximité avec des routes ou des zones habitées, la détection éventuelle de cendres, etc. sont autant d’indications sur les causes possibles de déforestation notamment boréale. C’est ainsi que les chercheurs américains ont calculé que 60 % des pertes étaient, dans ces régions boréales, dues aux feux, et 40 % à l’exploitation, aux maladies et aux insectes. Pour affiner ces estimations, il faudrait aussi mesurer les gains de surface forestière et, plus important, la quantité de biomasse. C’est l’objet du projet de satellite Biomass sur lequel je travaille depuis quelques années, dans le cadre du programme d’exploration de la Terre de l’ESA.

    Propos recueillis par Fabienne Lemarchand

    [1] www.fao.org/forestry/fra/fra2010/fr
    [2] M. Hansen et al., PNAS, doi/10.1073/pnas.0912668107, 2010.
    [3] http://tinyurl.com/2vu5hfc

    http://www.larecherche.fr/content/actualite-terre/article?id=27930


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