• Les astéroïdes soumis aux effets de marée

    Pourquoi les astéroïdes qui s’approchent très près de la Terre n’ont pas la même couleur que les autres ? L’analyse de leur trajectoire fournit une explication.

    Parmi les astéroïdes, agrégats de roches en orbite autour du Soleil, certains arborent une couleur inattendue. Ils sont bien moins foncés et moins rouges que la plupart des autres. Une équipe internationale dirigée par Richard Binzel, de l’Institut de technologie du Massachusetts et de l’Observatoire de Paris, vient d’expliquer pourquoi dans la revue Nature : ces astéroïdes énigmatiques s’approcheraient si près de la Terre que leur surface serait complètement remaniée par d’intenses secousses sismiques (1).

    Photométrie. C’est dans les années 1970 que les premières observations photométriques des astéroïdes ont montré qu’une large part d’entre eux, situés dans la ceinture principale, c’est à dire entre Mars et Jupiter, étaient rouges. A l’époque, aucune explication satisfaisante n’avait été avancée. Ce n’est qu’en 1991, avec les premiers gros plans en couleur de l’astéroïde Gaspra par la sonde Galiléo, que l’hypothèse d’une altération des astéroïdes par le vent solaire a été émise: à force d’être soumis au flux de particules provenant du Soleil, les minéraux à la surface des astéroïdes subissent des modifications chimiques qui leur donne cette teinte rouge.

    Mais entre-temps, au milieu des années 1980, les observations de quelques astéroïdes proches de la Terre ont montré qu’ils n’avaient pas la même couleur que ces astéroïdes rouges. Et malgré des recherches minutieuses, ce type d’astéroïde restait inconnu dans la ceinture principale. Comment expliquer l’existence de tels astéroïdes paraissant indemnes de toute altération ? « La question s’est encore corsée l’an dernier, quand Richard Binzel a démontré que le processus de coloration lié au vent solaire devait prendre moins d’un million d’années. Car les astéroïdes plus jeunes que cela sont rarissimes », précise Alessandro Morbidelli, astronome à l’observatoire de Nice et l’un des auteurs de l’article publié dans Nature.

    Distance minimale. Pour élucider l’énigme, l’équipe menée par Richard Binzel a étudié 95 astéroïdes dont l’orbite croise celle de la Terre. Elle a analysé la trajectoire de ces « géocroiseurs » au fil du temps. Ils montrent qu’au cours des derniers 500 000 ans, ceux qui ne portent pas de trace d’altération -une vingtaine- sont tous passés suffisamment près de la Terre pour que leur surface soit remaniée par les effets de marée. Ces astronomes ont calculé qu’à moins d’une quinzaine de rayons terrestres, soit environ 95 000 kilomètres, la gravité terrestre a de tels effets.

     

    Pour comparaison, la Lune se situe à un peu plus de 380 000 kilomètres de la Terre. «C’est un résultat important, estime Patrick Michel, de l’observatoire de Nice. Pour le démontrer définitivement, il faudrait maintenant simuler le comportement d’un milieu granulaire – les astéroïdes sont faits d’un agrégat de matière et non d’un seul tenant – sous les effets de marée. » Ou attendre 2029 et le passage de l’astéroïde Apophis à 42 000 kilomètres de la Terre pour avoir une chance d’observer en direct le phénomène.

    Fabrice Demarthon

    (1) R. Binzel et al., Nature, 463, 331, 2010.

    http://www.larecherche.fr/content/actualite-astres/article?id=27369


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