• Les algues vertes émettent du sulfure d'hydrogène à taux mortel

    C’est sur cette plage de Saint-Michelen- Grève que l’Ineris a mesuré le 13 août dernier la quantité de sulfure d’hydrogène présent dans les algues vertes. © INERISAprès la mort d’un cheval sur une plage bretonne, Alain Menesguen, directeur de recherche à l’Ifremer, explique le phénomène des algues vertes.

    Le 20 août, l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) a remis son rapport sur l’analyse des composés gazeux émis par les algues vertes des plages bretonnes (1). Quels sont ces composés ?

    Alain Menesguen. Le 13 août, l’équipe de l’Ineris a surtout mesuré le sulfure d’hydrogène (H2S) présent à Saint-Michel-en-Grève, dans les Côtes-d’Armor, où un cheval est décédé le 28 juillet et où son cavalier a ressenti un malaise. Elle a aussi déterminé la teneur de l’air en gaz comme l’ammoniac, le diméthylsulfure et le méthane.

    Comment s’y est-elle prise ?

    Connaissant le terrain, et sachant que le milieu est très hétérogène, il me semble que, dans l’urgence, l’équipe de l’Ineris a fait ce qu’il fallait en effectuant des mesures à 5 endroits différents, dont celui de l’accident. Elle ne s’est pas aventurée dans les zones sujettes à l’enlisement.

    Quels sont les résultats ?

    Les teneurs observées sont très diverses. Là où les algues sont fraîches, l’air ne contient que quelques parties par million (ppm) de H2S et 200 à 300 ppm de diméthylsulfure. Mais l’Ineris a aussi trouvé jusqu’à 1 030 ppm de H2S, peu de diméthylsulfure et beaucoup de méthane dans des endroits à l’abri de la mer où des algues de type Ulva armoricana se décomposaient depuis plusieurs jours. Elles avaient séché en surface, formant une croûte blanche imperméable aux gaz. Sous cette croûte, des bactéries anaérobies décomposent la matière organique en puisant leur énergie dans la réduction du sulfate de l’eau de mer en sulfure et en émettant du H2S. Il suffit de marcher dedans pour laisser s’échapper ce gaz, dont l’inhalation pendant dix minutes à une teneur supérieure à 700 ppm est mortelle.

    Pourquoi ces algues prolifèrent-elles ?

    Une ulve ne pousse bien que si elle est gavée d’azote sous forme inorganique dissoute, nitrate ou ammonium. Les rivières bretonnes contenaient 30,6 milligrammes de nitrate par litre d’eau (mg/l), soit 12 fois la concentration purement naturelle produite par un bassin versant tempéré sans occupation humaine. La teneur monte à plus de 60 mg/l dans certains cours d’eau du nord du Finistère ou des Côtes-d’Armor. Il y a trente ans, la moyenne était de 5 mg/l.

    Qui est responsable ?

    L’élevage intensif est mis en cause. On accuse souvent l’épandage des lisiers des élevages porcins, mais les éleveurs de bovins aussi ont leur part de responsabilité. Celle des villes est minime, car il y a eu un énorme effort de modernisation des stations d’épuration avec souvent une étape de dénitrification qui rejette de l’azote gazeux dans l’air. Les études que j’ai réalisées en 2001 à Brest, alors que la station d’épuration n’était pas modernisée, montrent que seul 20 % de l’azote ingéré par les algues vertes était alors issu des rejets urbains. En amont de Saint-Michel-en-Grève, il n’y a aucune ville importante. L’accident du 28 juillet a donc été causé par une marée verte directement imputable à l’élevage.

    Que faire ?

    Les agriculteurs ont reçu des subventions pour réduire les fuites de nitrate vers les cours d’eau. Ils ont arrêté d’épandre le lisier sur des terres nues. Ils ont planté des cultures de type moutarde qui captent les nitrates et servent à couvrir les sols pendant l’hiver. En dix ans, on est passé en moyenne de 38 mg/l à 30,6 mg/l, mais cela ne suffit pas. Le Grenelle de la mer est frileux en demandant une baisse de 40 % des rejets de nitrate. La diminution dans les sites très sensibles doit dépasser les 80 %. Et le principe pollueur-payeur doit s’appliquer.

    Propos recueillis par Jacques-Olivier Baruch

    http://www.larecherche.fr/content/actualite/article?id=26315


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