• Le voyage de l'ARN à travers les pores nucléaires

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    Des chercheurs ont pu suivre en temps réel le passage de l'ARN messager à travers un pore nucléaire, avec une résolution spatiale et temporelle inégalées.

    Émilie Auvrouin

    Les pores nucléaires, de grands complexes protéiques de 120 nanomètres de diamètre qui traversent la membrane du noyau des cellules eucaryotes, sont les portes de sortie des molécules d'ARN messager (les copies de portion de l'ADN servant d'intermédiaire pour la synthèse des protéines) du noyau vers le cytoplasme. On connait bien la structure et la composition du pore nucléaire, mais moins ce qui s'y passe au moment du passage de l'ARN messager. David Grünwald, de l'Institut Kavli, aux Pays-Bas, et Robert Singer, de l'Université de Médecine Albert Einstein, aux États-Unis, viennent de combler cette lacune en étudiant la dynamique d'exportation de l'ARN messager du noyau vers le cytoplasme.

    Jusqu'à présent, le pore nucléaire était une « boîte noire » à laquelle les chercheurs n'avaient pas accès. La faute aux techniques de microscopie employées, limitées à une résolution spatiale de 200 nanomètres. Or le diamètre intérieur d'un pore est d'environ 45 nanomètres, pour une longueur de près de 100 nanomètres. Pour s'affranchir du problème, D. Grünwald et R. Singer ont observé simultanément les pores nucléaires et les molécules d'ARN messager. Afin de les différencier, les molécules sont d'abord marquées par des protéines fluorescentes, jaunes pour les molécules d'ARN messager et rouges pour les pores nucléaires. Deux lasers (rouge et vert) sont montés sur le microscope afin d'exciter les protéines fluorescentes, et deux caméras CDD ultra-rapides détectent chacune le signal émis par l'une de ces protéines. Elles permettent d'obtenir une image d'ensemble du pore nucléaire et de l'ARN messager toutes les 20 millisecondes, avec une précision spatiale de 20 nanomètres, soit dix fois plus que les techniques traditionnelles.

    On s'attendrait à ce que l'ARN messager soit ralenti lors de son passage dans le pore nucléaire. Pourtant, ces nouvelles observations ont révélé que la traversée du pore est très rapide : seulement cinq millisecondes. D. Grünwald et R. Singer ont montré que l'entrée et la sortie du pore nucléaire sont les deux étapes limitantes en vitesse : l'ARN messager attend pendant 80 millisecondes avant d'entrer, et autant à la sortie du pore.

     

    © Albert Einstein College of Medicine
    En rouge, les pores insérés dans la membrane nucléaire ; en vert, les ARN messagers.

    En outre, dix pour cent des ARN messagers attendent à l'entrée des pores nucléaires sans jamais pouvoir franchir cette barrière. Selon les chercheurs, cette étape servirait de point de contrôle de l'ARN messager : les ARN messagers défectueux seraient inspectés puis détruits pour éviter qu'ils n'atteignent le cytoplasme, par un mécanisme qui reste à préciser.

    Dans ses précédentes recherches, R. Singer a étudié une maladie génétique qui affecte en particulier les muscles, la dystrophie myotonique. Elle est causée par une mutation d'un gène, qui entraîne la répétition de séquences de trois nucléotides dans l'ADN. R. Singer avait alors constaté que les molécules d'ARN messagers correspondantes restent bloquées à l'entrée du pore nucléaire.


    L'ARN messager (en jaune) traverse un pore nucléaire (en rouge) du noyau au cytoplasme (de gauche à droite).

    POUR EN SAVOIR PLUS

    D. Grünwald et R. Singer, In vivoimaging of labelled endogenous bêta-actin mRNA during nucleocytoplasmic transportNature, en ligne, 15 septembre 2010.

    L'AUTEUR

    Émilie Auvrouin est journaliste à Pour la Science.

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