• La géométrie du cerveau

    Les fibres de ce cerveau d'humain sont disposées perpendiculairement entre elles. © Image courtesy of Van Wedeen, MGH Radiology, Harvard Medical School
    Une étude d’imagerie révèle l’organisation des neurones dans le cerveau des primates. Surprise : elle est la même, celle d’une grille.

    Le cerveau, cet inconnu. Alors que chacun sait qu’il est le siège de notre intelligence, il reste difficile de se figurer comment cet organe à l’apparence molle et informe fonctionne et recouvre son rôle si complexe. Les réponses les plus parlantes nous viennent de l’imagerie cérébrale, dont les progrès techniques ne cessent d’accélérer. La dernière découverte en date, publiée sur Science le 30 mars, fournit un album d’images haut en couleurs de la partie interne du cerveau, la substance blanche, constituée des fibres neuronales, ou axones, qui relient les différentes aires cérébrales. Les images révèlent une organisation étonnement simple, comme celle d’une grille tridimensionnelle incurvée, autant chez l’homme que chez les quatre espèces de primates étudiés. (Voir la vidéo)



    L’équipe de chercheurs, dirigée par Van J. Wedeen au département de radiologie du Massachussets General Hospital (Boston) a obtenu des images très détaillées du cerveau humain, ainsi que de macaque, de ouistiti, de galago et de singe hibou, en les analysant par petits cubes de 2 millimètres de côté et de 0,5 millimètres dans le cas des primates. Pour ce faire, ils ont utilisé une technique qu’ils avaient mis au point en 2005, appelée IRM du Spectre de diffusion (DSI), qui est une variante de l’IRM du Tenseur de diffusion (DTI), inventée vingt ans plus tôt par le Dr. Denis Le Bihan et couramment utilisée pour diagnostiquer les accidents vasculaires cérébraux. 

    La DSI et la DTI reposent toutes deux sur l’analyse de la diffusion des molécules d’eau à travers les tissus cérébraux. « La diffusion est favorisée le long des fibres neuronales et freinée dans les autres directions. Il est donc possible, grâce à la DTI, de visualiser l’orientation de ces fibres, point par point dans le cerveau, explique Denis Le Bihan, aujourd’hui directeur du centre de recherche en imagerie NeurospinNous avons été parmi les premiers à montrer les connexions intracérébrales, par d’extraordinaires images en couleur et en trois dimensions, dès 1998 », affirme-t-il. Cette application n’est donc pas une nouveauté absolue. 

    Mais la DSI est plus efficace pour identifier les fibres qui se croisent, qui font l’objet de cette étude. Elle a ainsi permis à Van J. Wedeen et ses collègues de déterminer le « voisinage » de chaque fibre cérébrale, c’est-à-dire l’ensemble des fibres qui la coupent et celles qui coupent ces dernières. 

    Ensuite, par des élaborations mathématiques sophistiquées, les chercheurs ont obtenu une cartographie des connexions cérébrales. À leur grand étonnement, que ce soit chez l’homme ou les primates étudiés, le plan d’organisation s’est avéré le même : des fibres qui s’enchevêtrent perpendiculairement comme la chaîne et la trame d’un tissu, formant des couches superposées dans les trois dimensions, et incurvées le long des plis du cerveau.

    Comme dans le cerveau humain, les fibres de ce cerveau de Macaque sont disposées perpendiculairement entre elles. © Image courtesy of Van Wedeen, MGH Radiology, Harvard Medical School

    Pour expliquer cette structure en angles droits tout à fait inattendue, les auteurs avancent qu’elle est en effet la plus logique que la sélection naturelle ait pu forger, car elle facilite les reconfigurations des connexions cérébrales. De plus, elle fournit un schéma d’orientation aux fibres en cours de développement dans le cerveau de l’embryon. 

    Cependant, des doutes ont été exprimés dans la communauté scientifique quant à l’exactitude de ces résultats. Dans un commentaire paru dans Naturedes scientifiques étasuniens font état des limites de cette étude. Notamment, comme le rapporte Michel Thiebaut de Schotten, neuropsychologue au Centre de recherche en Neurosciences de la Pitié Salpêtrière (Inserm), et spécialiste de la substance blanche : « Plusieurs chercheurs du milieu avec qui j’ai échangé sur le sujet se disent perplexes quant à l’algorithme utilisé par Van Wedeen, qui pourrait favoriser l’émergence d’angles droits plutôt qu’inclinés. Il est avant tout nécessaire que cette étude soit répliquée par une autre équipe ». 

    Si cette découverte est validée, cette grille tridimensionnelle pourrait servir de base pour construire une cartographie du cerveau, ce qui permettrait de localiser précisément n’importe quelle structure chez n’importe quel individu. Un dispositif utile pour mieux étudier des pathologies comme l’autisme ou la schizophrénie. « Dans le cadre duprojet européen CONNECT, révèle Denis Le Bihan, nous disposons à NeuroSpin d’un outil permettant d’obtenir les connexions cérébrales chez n’importe quel sujet. Les images suggèrent que ces pathologies soient liées à des défauts de connexions entre régions cérébrales ». Des études prometteuses à suivre… 

    Fiorenza Gracci

    http://www.larecherche.fr/content/actualite-vie/article?id=31615



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