• La frappe sur clavier entraîne des difficultés à lire

    http://www.larecherche.fr/actualite/cerveau/frappe-clavier-entraine-difficultes-a-lire-01-04-2013-99516

    L'utilisation fréquente des claviers d'ordinateur et de smartphone perturbe l'acquisition de la lecture chez les enfants chinois.

    A l'âge des ordinateurs, des smartphones et des tablettes, nous écrivons de moins en moins à la main. La plupart du temps, nous utilisons un clavier. Plusieurs études, dont une menée récemment par des chercheurs de l'université de Hongkong, suggèrent que cela pourrait avoir des conséquences sur notre capacité à lire [1].

    « Notre cerveau comprend deux circuits de lecture bien distincts, explique Stanislas Dehaene, du Collège de France. L'un permet de reconnaître la forme des lettres et leurs combinaisons, l'autre les gestes de l'écriture. Or, des travaux menés en 2012 dans mon laboratoire ont révélé que le circuit de l'écriture manuscrite nous aide à lire. De plus, l'équipe d'Édouard Gentaz, de l'université de Grenoble, a montré qu'apprendre à tracer les lettres facilite l'apprentissage de la lecture chez l'enfant. » L'abandon progressif de l'écriture manuscrite pourrait ainsi entraver la lecture et son apprentissage.

    Une hypothèse que confirment aujourd'hui Wai Ting Sio et ses collègues de l'université de Hongkong. Ces derniers se sont intéressés à une méthode de frappe sur clavier très utilisée en Chine, la méthode pinyin. Comme la langue chinoise comporte plusieurs milliers de caractères, les sinogrammes, il est impossible de concevoir un clavier où chaque touche correspondrait à un caractère. La méthode pinyin permet d'entrer ces caractères en passant par les lettres de l'alphabet latin. Par exemple, lorsque l'utilisateur veut écrire le mot chinois qui se prononce « li » et veut dire « poire », il frappe sur les touches « l » et « i » de son clavier. Apparaît alors une fenêtre proposant les sinogrammes qui se prononcent « li » (il existe de nombreux homophones en chinois) ; l'utilisateur n'a plus qu'à choisir le sinogramme souhaité.

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    En CM1, environ 30 % des élèves de Pékin et de Canton apprenant à lire avec la méthode pinyin ont deux ans de retard par rapport au niveau de lecture moyen à cet âge. Un chiffre qui augmente en CM2. Dans la ville de Jining, le nombre d'élèves avec des difficultés est plus élevé encore.

    Retard d'apprentissage

    Afin de savoir si cette technique a un impact sur l'apprentissage de la lecture, les chercheurs ont testé plus de 5 000 enfants fréquentant des écoles primaires de Pékin, de Canton et de Jining. Ces enfants étaient dans des classes équivalentes au CP, CM1 et CM2. Lors des tests, il leur était demandé de lire une liste de sinogrammes à voix haute, de la manière la plus exacte et la plus rapide possible.

    Or, plus de 28 % d'entre eux ont présenté des difficultés de lecture sévères : ils avaient deux ans de retard dans l'apprentissage de la lecture par rapport au niveau moyen des enfants de leur âge. Un taux beaucoup plus élevé que ceux rapportés par les précédentes études menées sur le sujet en Chine.

    Les chercheurs ont ensuite demandé à environ 700 de ces enfants de remplir un questionnaire sur leur usage quotidien de l'ordinateur et du smartphone, leur utilisation de la méthode pinyin, le temps passé à lire et à écrire à la main.

    Résultat : plus l'élève passait du temps devant son ordinateur ou son smartphone en utilisant la méthode pinyin, moins ses scores de lecture étaient bons. « Même si la relation de cause à effet n'est pas établie, la corrélation observée entre utilisation du clavier et difficultés de lecture est forte, estime Stanislas Dehaene. Et s'il n'est pas certain que les effets soient aussi délétères chez des enfants français, pour lesquels le clavier et le système d'écriture correspondent étroitement, ces résultats sont tout de même très préoccupants. »

    Par Jacques Abadie

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