• L'obésité est une maladie neurocomportementale

    Une anomalie génétique qui s'exprime dans le cerveau est à l'origine de certains cas d'obésité.

    Questions à Philippe Froguel, généticien. Il dirige le département de médecine génomique de l'Imperial College, à Londres, et l'équipe CNRS " génomique et physiologie moléculaire des maladies métaboliques ", à Lille.


    Vous venez de mettre en évidence une nouvelle cause d’obésité. De quoi s’agit-il ?

    P.F. Nous avons découvert qu’une forme d’obésité était liée à la disparition d’un fragment de chromosome, le chromosome 16, et des 30 gènes qu’il porte. Les personnes concernées présentent une seule copie de ces gènes au lieu des deux habituelles. Leur risque de développer un surpoids est alors multiplié par 50. Cette anomalie explique 1 % des cas d’obésités.

     

    Comment l'avez-vous découverte ?

    P.F. En bousculant la façon dont on recherche les causes génétiques de l’obésité. Pendant une dizaine d’années, on a postulé que les maladies fréquentes étaient liées à des mutations ponctuelles dans le génome, affectant un ou plusieurs gènes. On a ainsi trouvé 6 ou 7 gènes impliqués dans les formes simples de l’obésité, dites monogéniques, et environ une vingtaine de gènes à effet faible, impliqués dans l’obésité où plusieurs gènes interviennent simultanément. Mais cela n’expliquait pas toute l’héritabilité liée à cette maladie. Nous avons proposé de travailler autrement, en nous intéressant aux gènes présents dans le génome en un seul exemplaire au lieu de deux.

     

    Ce cas est-il fréquent ?

    P.F. Très ! Quand on observe notre génome, on se rend compte que de nombreux fragments de chromosomes sont absents, avec les gènes qu’ils portent. C’est ce qu’on appelle des délétions. J’ai proposé qu’elles puissent jouer un rôle dans l’obésité et le diabète. Pour les trouver, nous avons étudié le génome d’enfants souffrant d’une obésité sévère, avec retard mental. Une fois la petite délétion du chromosome 16 repérée, nous avons cherché avec quelle fréquence elle apparaissait dans le génome de 16 000 individus normaux. 19 personnes en était porteuses. Toutes étaient obèses, sans présenter de retard mental particulier. Bien sûr, cela n’explique pas tous les cas d’obésité. Mais c’est une preuve que la modification du nombre de copies de gènes peuvent entraîner des maladies communes - et pas seulement des syndromes comme la trisomie 21 - et qu’on peut les trouver en partant de cas extrêmes. Nous appliquons actuellement cette méthode pour chercheur de nouvelles causes au diabète et à certaines maladies psychiatriques.

     

    Quel est le rôle des 30 gènes touchés par cette délétion?

    P.F. Cela reste à définir mais deux ou trois gènes pourraient être impliqués dans le développement du cerveau. Ce qui conforte l’idée que l’obésité est une maladie neurocomportementale : tous les gènes liés à l’obésité sont exprimés dans le cerveau, au niveau de l’hypothalamus ou des neurones intervenant dans la régulation de l’appétit. Le gène NEGR 1, par exemple, intervient dans le développement des synapses des neurones. Le gène PDNF est très important pour le développement des cellules nerveuses, etc. Cela éclaire aussi les études épidémiologiques de grande ampleur qui trouvent une corrélation entre l’obésité, le quotient intellectuel et la réussite scolaire. On peut les interpréter en disant que le retard scolaire et la faim impétueuse de l’enfant sont deux manifestations d’une même anomalie.

    Propos recueillis par Sophie Coisne

    http://www.larecherche.fr/content/actualite-sante/article?id=27359


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