• L'œil géant du calmar géant

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    L'œil des calmars géants et colossaux est plus gros qu'un ballon de basket. Cette démesure a été sélectionnée pour la détection à grande distance des cachalots, les principaux prédateurs de ces calmars.

    Loïc Mangin
    © Smithonian Institution
    © Smithonian Institution

    Un œil de calmar.

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    Un calmar déployé atteint plus de 20 mètres de longueur.

    © New Zealand Ministry of fisheries
    © New Zealand Ministry of fisheries

    Un calmar géant pêché en Nouvelle-Zélande.

    Quel est l'animal doté des plus gros yeux ? La baleine bleue ? Non, loin s'en faut, car le diamètre de son œil n'atteint « que » 109 millimètres. Le record en la matière est détenu par les calmars géants (le genre Architeuthis) et colossaux (le genre Mesonychoteuthis) dont les yeux mesurent jusqu'à 270 millimètres de diamètre. En comparaison, un œil humain a un diamètre d'environ 30 millimètres et un ballon de basket avoisine les 248 millimètres... Quels avantages procurent de tels yeux gigantesques aux deux types de céphalopodes ? C'est ce qu'ont voulu savoir Dan-Eric Nilsson, de l'Université de Lund, en Suède, et ses collègues.

    Les calmars géants et colossaux vivent en zone mésopélagique, entre 300 et 1 000 mètres de profondeur, dans l'océan Austral, autour du continent Antarctique. Aussi grands soient-ils, ces animaux ont divers prédateurs, au premier rang desquels le cachalot. D'ailleurs, le calmar colossal a été découvert en 1925 grâce à deux tentacules trouvés dans l'estomac d'un de ces cétacés. Les autres espèces se nourrissant de calmars géants et colossaux sont notamment la baleine à bec, l'éléphant de mer du Sud, le requin dormeur du Pacifique, l'albatros... certaines se contentant de consommer de jeunes spécimens.

    En zone mésopélagique, un objet se distingue de deux façons. La première est le contraste de sa silhouette sur le fond bleu de l'eau, mais l'absorption de la lumière et sa diffusion se traduisent par une diminution drastique de ce contraste avec la distance. L'autre moyen de détection est la bioluminescence émise par les organismes planctoniques brassés par le mouvement de l'objet. Cette seconde méthode prédomine d'autant plus que la profondeur est grande.

    Néanmoins, de nombreuses espèces habitent cette zone mésopélagique sans pour autant que leurs yeux soient gigantesques. De fait, chez la plupart des espèces marines, le diamètre de ces organes atteint au plus 90 millimètres. La démesure des yeux des calmars plaide donc pour un usage bien particulier de la vision, sachant que leur « fabrication » réclame beaucoup d'énergie.

    À partir d'œil de calmars et des propriétés de la lumière selon la profondeur, les biologistes de Lund ont élaboré un modèle mathématique de la vision reliant le diamètre d'un œil (et de sa pupille) avec ses performances dans la détection d'objets selon leur distance – c'est la distance de visibilité – et la profondeur.

    Jusqu'à 600 mètres de profondeur, la distance de visibilité augmente rapidement avec le diamètre de l'œil jusqu'à ce qu'il mesure 90 millimètres (on retrouve le maximum de la plupart des espèces marines), puis plus lentement ensuite : l'investissement en ressources n'est dès lors plus avantageux. Cependant, au-delà de 600 mètres de profondeur, la taille de l'œil géant des calmars devient un atout certain, car il détecte jusqu'à 120 mètres de distance la bioluminescence du plancton stimulée par un important déplacement d'eau dû à un animal imposant. C'est typiquement le signal d'un cachalot en chasse, le principal prédateur des calmars. Selon les biologistes, cette menace aurait agi comme pression de sélection sur la taille des yeux des céphalopodes.

    Les ichtyosaures, des reptiles marins disparus en même temps que les dinosaures, avaient également de très gros yeux, jusqu'à 350 millimètres de diamètre. Les résultats sur les calmars indiquent que ces animaux avaient sans doute aussi un avantage à voir de loin de gros animaux, peut-être les pliosaures, des superprédateurs des mers du Trias au Crétacé.

    Pour en savoir plus

    D.-E. Nilsson et al., A unique advantage for giant eyes in giant squidCurrent Biology, prépublication en ligne, 2012.

    L'auteur

    Loïc Mangin est rédacteur en chef adjoint à Pour la Science.

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