Certaines fourmis rapportent la nourriture au nid, les larves la digèrent en partie et d'autres fourmis en extraient le sucre : les fourmis se partagent les différentes tâches de leur nutrition.
Bénédicte Salthun-Lassalle
Si l'on sait que le partage des tâches est une caractéristique des insectes sociaux que sont les fourmis ou les abeilles, on ignorait encore tous les domaines concernés ! La nutrition ne ferait pas exception ; Audrey Dussutour, du Centre de recherche sur la cognition animale (CNRS/Université Paul Sabatier), et Stephen Simpson, de l'Université de Sydney, ont montré qu'une colonie de fourmis ne représentait qu'un seul estomac...
On savait que seulement dix pour cent des fourmis - les ouvrières dites fourrageurs - rapportent de la nourriture au nid, laquelle est ensuite partagée entre tous les membres de la colonie. Mais les larves n'ont pas les mêmes besoins que les adultes ou que les reines. Comment chaque catégorie de fourmis trouve-t-elle de quoi subvenir à ses besoins ?
Une fourmi, une tâche
A. Dussutour et S. Simpson ont montré que les fourrageurs sont informés des besoins nutritionnels des larves - de petits vers blancs sans pattes. Dès lors, les ouvrières adaptent leur récolte. Les chercheurs ont mis à disposition de colonies de fourmis rhytidoponera - ayant ou non des larves - de la nourriture riche en sucre ou bien riche en protéines. Quand il y a des larves dans la colonie, les ouvrières rapportent surtout de la nourriture riche en protéines, lesquelles permettent aux larves de se développer. En revanche, quand il n'y a pas de larves, les fourmis préfèrent la nourriture riche en sucre.
En outre, lors d'une seconde expérience, les biologistes ont montré que face à des proportions variables de protéines et de sucre, les fourmis rapportent toujours la même quantité de sucre. En effet, quand l'alimentation est trop riche en protéines, les fourmis absorbent le sucre, mais régurgitent les protéines à l'extérieur du nid, sous forme de boulettes.
On a constaté que les fourmis nourries avec trop de protéines meurent beaucoup plus que les autres, car les protéines sont toxiques, pour des raisons inconnues (on a observé une toxicité des protéines chez les mouches drosophiles et elle est à l'étude chez les souris). Près des trois quart de la colonie peut alors disparaître (comparé aux cinq pour cent de perte dans une colonie élevée avec moins de protéines). En fait, ces colonies survivent quand il y a des larves : ce sont alors ces dernières qui digèrent la nourriture pour éliminer les protéines, qu'elles assimilent mieux que les ouvrières.
Ces résultats indiquent que les fourmis se partagent les tâches jusqu'à la nourriture : certaines font la récolte, d'autres la digestion et les dernières l'excrétion. On ignore toutefois comment les larves communiquent aux fourrageurs leurs besoins nutritionnels.
http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actualite-des-fourmis-mais-un-seul-estomac-22129.php