• Crime et Châtiment... chez les figues

    Certains figuiers punissent les guêpes qui ont déposé des œufs dans les futurs fruits sans les avoir pollinisées : ils coupent la figue avant maturité !

    Loïc Mangin

    Tout semble aller pour le mieux dans le monde des figuiers et des guêpes, deux espèces qui vivent sous le régime du mutualisme : l'insecte pollinise la plante tandis que les fruits de celle-ci protègent le développement des œufs de l'hyménoptère. Cependant, ces relations constituent un fragile équilibre, où l'un des partenaires pourrait profiter de la situation en ne remplissant pas son rôle. Charlotte Jandér et Allen Herre, de l'Institut Smithonian pour la recherche tropicale, au Panama, se sont intéressé à ce mutualisme et ont montré comment certains figuiers punissent les guêpes qui trichent.

    Les chercheurs ont étudié six tandems plantes-insectes qui se distinguent par l'énergie déployée par la guêpe pour recueillir le pollen. Certaines espèces de guêpes sont plutôt passives et se contentent de récupérer dans les fleurs mâles le pollen qui se colle à leurs pattes (avant de le déposer dans des fleurs femelles où le pollen féconde les ovules), tandis que  d'autres sont actives et collectent les gamètes mâles (le pollen) dans des réceptacles prévus à cet effet. Ce dernier mode serait apparu plus tardivement au regard de l'évolution.

    Les figuiers du premier type (à pollinisation passive) produisent de nombreuses fleurs mâles, grandes, et libérant un pollen abondant. Ainsi, ces arbres dépensent beaucoup de ressources pour leur reproduction. À l'inverse, les figuiers du second type produisent peu de fleurs mâles, celles-ci étant en outre petites. L'investissement est moindre, mais la dépendance vis-à-vis des guêpes est accrue, pour assurer le développement d'un maximum de figues.

    Plusieurs observations ont révélé que, dans le second cas, les insectes qui n'ont déposé aucun pollen dans les figues – économisant ainsi leur énergie – sont sanctionnés : les fruits se détachent avant maturité et précipitent les œufs des guêpes au sol avec eux, les condamnant. Cette stratégie, vraisemblablement fondée sur des signaux hormonaux différents selon qu'il y a eu pollinisation ou non, a probablement été sélectionnée au cours des millions d'années pour assurer la fidélité des deux partenaires. Ces résultats montrent qu'une relation stable et durable est possible, mais qu'elle n'est pas nécessairement bâtie sur la confiance. Le Roman d'un tricheur n'a pas lieu d'être pour les guêpes.

    http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actualite-i-crime-et-chatiment-i-chez-les-figues-24249.php

     

    <i>Crime et Châtiment</i>... chez les figues
    © STRI, Marcos Guerra

    Des guêpes femelles déposent leurs œufs dans les inflorescences des figuiers. Gare à celles qui ne payent pas le prix de l'hébergement, la pollinisation...

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    © STRI, Marcos Guerra
    Charlotte Jander insère une guêpe pourvue, ou non, de pollen dans un sac recouvrant une inflorescence.

    L'auteur

    Loïc Mangin est rédacteur en chef adjoint à Pour la Science.

    Pour en savoir plus

    K. Charlotte Jandér et Edward Allen Herre, Host sanctions and pollinator cheating in the fig tree–fig wasp mutualism, Proceedings of the Royal Society B, prépublication en ligne, 2010.

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