• Couleurs structurelles sur ailes transparentes

    Les ailes transparentes de petites guêpes et moucherons font apparaître des couleurs dues à des interférences lumineuses. Ces couleurs constituent un critère supplémentaire pour identifier des insectes.

    Maurice Mashaal

    Les entomologistes ne l'avaient pas vraiment remarqué jusqu'ici : les ailes transparentes de petits diptères (moucherons, moustiques, etc.) ou hyménoptères (des microguêpes) présentent des motifs colorés stables lorsqu'on les observe sur un fond sombre. C'est ce qu'ont découvert Ekaterina Shevtsova et deux collègues de l'Université de Lund, en Suède, avec un autre biologiste de l'Université de Pennsylvanie, aux États-Unis.

    Il s'agit de couleurs créées par interférence de deux ondes lumineuses. La membrane de l'aile de ces insectes, extrêmement mince (jusqu'à un tiers de micromètre d'épaisseur), est faite de chitine transparente, dont l'indice de réfraction est égal à 1,57. Lorsque l'aile est éclairée, une partie (20 pour cent) de la lumière est réfléchie. Cette composante réfléchie est elle-même la superposition de deux ondes : l'une qui a été réfléchie par la face supérieure de l'aile, l'autre par sa face inférieure (du côté interne). Les deux ondes interfèrent, leur déphasage étant lié à l'épaisseur de membrane traversée par la seconde onde. Selon la valeur de cette épaisseur et selon la longueur d'onde lumineuse, l'interférence est alors constructive ou destructive. Ainsi, en lumière blanche, la partie réfléchie par l'aile présente une couleur dominante lorsque l'observation a lieu dans de bonnes conditions (sans lumières parasites et sur fond noir).

    Sur une aile donnée, on a alors un motif coloré, qui résulte des variations d'épaisseur de la membrane alaire et de la présence éventuelle d'autres éléments (poils microscopiques, nervures, pigments, etc.). E. Shevtsova et ses trois collègues ont constaté que ces motifs varient peu au sein d'une même espèce, et que les variations permettent de distinguer des spécimens appartenant à des espèces différentes. En analysant ces motifs, les biologistes ont ainsi pu déterminer que certains insectes très ressemblants n'étaient pas de la même espèce, contrairement à ce que l'on pensait, distinction qui a ensuite été confirmée par un examen minutieux d'autres caractères morphologiques.

    Par conséquent, les couleurs interférentielles des ailes transparentes peuvent constituer un nouveau critère d'identification pour certains groupes d'insectes. Et ces motifs colorés représentent un ingrédient supplémentaire dans l'étude génétique ou comportementale de la signalisation visuelle chez les insectes.

    http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actualite-couleurs-structurelles-sur-ailes-transparentes-26464.php

    E. Shevtsova et al./PNAS
    E. Shevtsova et al./PNAS

    Une drosophile observée sur fond noir. Le motif de couleurs interférentielles apparaît.

    À VOIR AUSSI

    E. Shevtsova et al./PNAS
    E. Shevtsova et al./PNAS

    La même drosophile que plus haut, vue sur un fond blanc. Le motif de couleurs interférentielles n'est plus visible.

    E. Shevtsova et al./PNAS
    E. Shevtsova et al./PNAS

    Ailes de divers diptères (sept premières rangées) et petits hyménoptères. Les motifs colorés sont à peu près stables au sein d'une même espèce.

    POUR EN SAVOIR PLUS

    E. Shevtsova et al.Stable structural color patterns on transparent insect wingsPNAS, vol.108(2), pp. 668-673, 2011.

    J.-M. Courty et É.Kierlik, Le choix de la réflexionPour la Science, n° 332, juin 2005.

    L'AUTEUR

    Maurice Mashaal est rédacteur en chef de Pour la Science.

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