• Comment le serpent détecte ses proies

    Les serpents voient dans l'infrarouge, ce qui leur permet de détecter leur proie dans l'obscurité. Des chercheurs lèvent le voile sur les mécanismes moléculaires en jeu dans cette perception.

    Émilie Auvrouin

    C'est à la nuit tombée que le crotale du Texas (Crotalus atrox), plus connu sous le nom de serpent à sonnette, part traquer ses proies. Au menu : rongeurs, lézards, grenouilles et parfois petits mammifères, qu'il immobilise puis tue en leur injectant un puissant venin. Le reptile détecte ses proies par la chaleur qu'elles rayonnent en infrarouge. David Julius et ses collègues de l'Université de Californie à San Francisco ont montré comment fonctionne, au niveau moléculaire, le système de perception infrarouge de ce prédateur.

    Qu'ils soient non venimeux, tels les boas ou les pythons, ou venimeux, comme la vipère et le crotale, les serpents détectent leurs proies grâce au rayonnement infrarouge. Les yeux du serpent ne sont pas impliqués, car même quand ils sont masqués, l'animal parvient à détecter ses proies avec la même efficacité. La détection infrarouge fait intervenir des « fossettes sensorielles », de petites cavités situées à l'avant de la tête, sous chacune des narines. Jusqu'à ce jour, les connaissances sur le fonctionnement de ces fossettes étaient très sommaires. Pour en savoir plus, D. Julius et ses collègues ont étudié le crotale du Texas. Un candidat de choix, car sa sensibilité de détection est dix fois supérieure à celle des autres espèces.

    L'intérieur de chaque fossette comporte une mince membrane innervée par des cellules du système somato-sensoriel, celui chargé de détecter les variations de pression et les variations de température. Quand une proie se trouve à proximité, à moins d'un mètre, la chaleur qu'elle dégage sous forme de rayonnement infrarouge réchauffe la membrane. Les chercheurs américains viennent de découvrir que cette chaleur active certains récepteurs – des canaux ioniques – nommés TRPA1, situés sur les cellules nerveuses. Quand la température atteint un seuil de 28 °C, ces canaux s'ouvrent et les cellules nerveuses transmettent alors un signal électrique jusqu'au « tectum optique », au sommet du tronc cérébral. Le cerveau construit alors une image en trois dimensions de la proie, proche de celle que l'on obtient avec une caméra thermique.

    Ces travaux montrent que la localisation de la proie par le serpent n'implique pas la détection de photons infrarouges par des photorécepteurs, mais qu'elle met en jeu une détection thermique par un thermorécepteur, TRPA1. D. Julius et son équipe avaient déjà identifié ce type de récepteurs chez les mammifères. Chez la souris, ils ont montré que TRPA1 permet de détecter des substances irritantes telles que la graine de moutarde ou le raifort (que l'on retrouve dans le wasabi). Contrairement au cas du serpent, les récepteurs TRPA1 des mammifères ne sont pas activés par la chaleur. Ainsi, le récepteur TRPA1 revêt des fonctions différentes suivant l'espèce considérée – une spécialisation qui résulte de l'évolution.

    http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actualite-comment-le-serpent-detecte-ses-proies-24742.php

    Comment le serpent  détecte ses proies
    © Shutterstock

    Les serpents repèrent leur proie dans l'obscurité grâce à un système de détection infrarouge situé sous les narines. Des chercheurs américains viennent d'identifier les récepteurs impliqués dans la vision infrarouge d'un serpent à sonnette, le crotale du Texas.

    L'auteur

    Émilie Auvrouin est journaliste à Pour la Science.

    Pour en savoir plus

    D. Julius et al., Molecular basis of infrared detection by snakes, Nature, prépublication en ligne, 14 mars 2010.

    à voir aussi

    © Nature
    Sous les narines (flèches noires), le serpent possède des fossettes sensorielles (flèches rouges) qui lui permettent de détecter la chaleur dégagée par ses proies.

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