• Comment la chenille de la pyrale du maïs échappe à l'homme

    Cette larve qui ravage les champs de maïs survit au passage des moissonneuses-batteuses en migrant sous la ligne de coupe des machines à la fin de l'été.

    Bénédicte Salthun-Lassalle

    La chenille de la pyrale du maïs (Ostrinia nubilalis) ravage les cultures de maïs. Elle perfore les feuilles des plants, fragilise les tiges en les creusant et se nourrit même des épis. Les dégâts peuvent être importants et diminuent la productivité dans la plupart des pays tempérés. Des moyens de lutte divers ont été développés : mécaniques (les résidus de récolte sont broyés pour éliminer les chenilles), chimiques (utilisation d'insecticides), biologiques (on introduit des parasites dans les œufs), ou encore biotechnologiques (un maïs transgénique produisant une toxine active contre les chenilles a été mis au point). Mais rien n'y fait, les chenilles de la pyrale reviennent chaque année ravager les cultures de maïs. Vincent Calcagno, de l'Université McGill à Montréal, Denis Bourguet et Vincent Bonhomme, du Centre de biologie pour la gestion des populations (CBGP) à l'INRA de Montpellier, et un collègue texan viennent de mettre en évidence un facteur original permettant à la pyrale du maïs de résister à son pire ennemi, l'homme.

    La pyrale du maïs est un papillon nocturne de deux à trois centimètres d'envergure. La femelle pond ses œufs par groupes de 15 à 20 à la surface inférieure des feuilles de maïs durant les mois de mai et de juin. Après 15 jours environ, les jeunes chenilles éclosent et commencent à dévorer les feuilles, puis à creuser des galeries dans les tiges, affaiblissant ainsi les plants. Les larves cessent de se nourrir à l'automne et passent l'hiver dans les cannes de maïs avant de se transformer en nymphes, puis en papillons au printemps suivant.

    Cette espèce serait issue d'une espèce jumelle, Ostrinia scapulalis, qui n'attaque pas le maïs, mais l'armoise (une mauvaise herbe). Les deux espèces ont le même aspect et sont génétiquement très proches l'une de l'autre. On pense que la pyrale du maïs s'est différenciée d'O. scapulalis après l'introduction du maïs en Europe par Christophe Colomb il y a plus de 500 ans. La colonisation d'un nouvel hôte est souvent accompagnée de nouveaux prédateurs : le plus redoutable pour la pyrale est l'homme. Les cannes de maïs sont en effet complètement broyées par les moissonneuses-batteuses au moment des récoltes, si bien que les parties supérieures des tiges sont des refuges mortels pour les chenilles.

    Comment survivent alors les chenilles ? Les chercheurs ont découvert que quelques semaines avant les récoltes, elles descendent vers le sol et s'installent en bas des cannes de maïs, dans une partie située en dessous de la ligne de fauche des moissonneuses-batteuses. Ils ont aussi montré que ce comportement est spécifique des chenilles de pyrale : les chenilles de l'espèce jumelle, O. scapulalis, ne le font pas. Ainsi, la survie d'O. nubilalis sur maïs, comparée à celle d'O. scapulalis, serait augmentée de 50 pour cent.

    En outre, les biologistes ont montré que ce comportement de migration vers le sol ne dépend ni des conditions environnementales, ni de la recherche de nourriture (dans les mêmes conditions et en présence de nourriture, les deux espèces de pyrales réagissent avec les mêmes différences). La migration est donc génétiquement déterminée et implique une perception de la gravité par les larves. Voilà un comportement qui a dû être sélectionné par l'homme au fil des récoltes, les chenilles survivant à la moisson étant celles qui s'installent en bas des cannes de maïs. Si ces résultats sont confirmés, ce serait un premier cas d'adaptation d'un animal à une pratique agricole – les adaptations généralement décrites étant des résistances aux insecticides. La nature n'a pas fini de résister à l'homme.

    http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actualite-comment-la-chenille-de-la-pyrale-du-mais-echappe-a-l-homme-25111.php
    Comment la chenille de la pyrale du maïs échappe à l’homme
    INRA

    La chenille de la pyrale du maïs survit à la moisson à la fin de l’été en descendant tout en bas des cannes de maïs, avant que la moissonneuse batteuse ne la fauche !

    L'auteur

    Bénédicte Salthun-Lassalle est journaliste à Pour la Science.

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