"On
croirait volontiers que la science évolue dans la paix de l'objectivité
; il n'en est rien, au moins sur un point. Pour un certain nombre
d'esprits, les mots de création et d'évolution seront toujours en
conflit.
Il y a, depuis longtemps, aux USA, un groupe d'états
irréductibles qui militent pour affirmer l'immutabilité des espèces,
depuis les origines, jusqu'à nos jours. Ils le font à partir d'une
lecture de la Genèse prise au pied de la lettre où l'on dit que Dieu
créa le monde en sept jours ; les végétaux, chacun selon son espèce,
les animaux qui peuplent les eaux, la terre et les airs, tels que nous
les avons sous les yeux. Puisque la Bible dit la Vérité, au nom de
Dieu, il faut s'y tenir absolument.
Nous trouvons ici, une
application du fameux rapport foi et raison, cher au pape actuel, et
qui fit couler l'encre dans la récente controverse de Ratisbonne. Tous
ceux qui considèrent la création comme une fabrication ne pourront
jamais, sur ce point, se sortir des ornières du fondamentalisme. Il
faut bien en effet, que Dieu ait fabriqué les animaux tels qu'ils sont.
Mais alors, ce langage qui se donne pour celui de la foi, se heurte à
la démarche rationnelle des sciences qui accumule, depuis le 18ème
siècle, une multitude de preuves, de plus en plus subtiles. Elles
montrent, sans contestation sérieuse possible, comment la réalité
actuelle est le fruit de mécanismes d'évolution complexes et
époustouflants. A partir du moment où l'on a bien compris que l'idée de
création ne signifie pas fabrication, mais relation, tout de vient plus
limpide. Le langage de la foi veut seulement affirmer que toute la
réalité existe dans la dépendance de Dieu et que, sans lui, rien
n'existerait. Mais il n'a aucune prétention à définir comment on en est
arrivé là.
Si, faisant un usage correct de ma raison, j'en
arrive à conclure que l'origine de l'univers est une gerbe d'énergie ;
que, durant l'infime instant initial, elle est tellement dense qu'elle
en demeure obscure et inaccessible, puis se déploie, s'organise et se
complexifie jusqu'à produire la matière, et enfin des assemblages aptes
à porter la vie ; cela ne me détournera pas de croire en la puissance
créatrice de Dieu. J'admirerai le processus déjà éblouissant, et encore
en pleine exploration. Simplement, je saurai qu'il faut, sans
scrupules, se défaire de toute naïveté sur un sujet aussi fondamental.
C'est légitime pour un esprit chrétien. Mais voici que débarque une
nouvelle offensive venue d'un autre horizon. Un luxueux ouvrage,
distribué à tous vents, prétend, au nom d'une autre croyance, que tout
cela est faux, et veut en asséner les preuves. Il serait, au passage,
inquiétant que les dollars du pétrole servent à ce genre d'entreprise.
Ni les croyances, ni les idéologies, comme naguère le marxisme, ne
doivent inspirer la science.
Inutile de reprendre un à un les
arguments avancés : le problème n'est pas là. Il ne suffit pas de
reprendre, dans un autre univers de pensée, l'idée de création, en
croyant maîtriser correctement son sens. Il faut la replacer dans son
milieu nourricier spirituel et philosophique biblique, qui implique
justement, un rapport particulier entre foi et raison. Sans quoi, on
lui fera dire, contre l'évidence, des âneries ; et c'est le cas ici. La
Bible ne tombe pas du ciel ; parole de Dieu en langage humain, elle
appelle l'interprétation. Le Coran, lui, dicte des affirmations. Pas
étonnant que leur dialogue avec la raison ne soit pas le même."
Ce texte a été lu lors de l'émission de radio "Parabole RCF" du 6 février 2007. |