http://www.snv.jussieu.fr/vie/bib/dos-doc/1documents.htm
L'Y humain mesure 1/3 de la taille de l'X et contient environ 10 fois moins de gènes
les régions pseudoautosomales ou PARs
Situées aux deux extrémités de l'Y, elles couvrent 5% de sa longueur. Représentées
également sur les deux extrémités de l'X, elles permettent l'appariement de ces deux partenaires lors
de la première phase de la méiose, au cours de laquelle a lieu le processus de recombinaison homologue, gage
de brassage génétique et de réparation de l'ADN.
Dans ces deux régions l'X et l'Y ne divergent pas, les mêmes 29 gènes codant des chaînes polypeptidiques
y sont représentés.
la région située entre les deux PARs
Elle représente 95% de la longueur de l'Y, dont sur le grand bras une large part d'hétérochromatine
compacte, très riche en séquences répétées, et considérée jusqu'ici comme
inerte. Pour le reste, elle contient 78 gènes codant des chaînes polypeptidiques. Parmi ceux-ci, certains codent
des chaînes polypeptidiques que l'on trouve exprimées chez les femmes, preuve qu'il existe d'autres zones d'homologie
entre l'X et l'Y que les PARs. A l'inverse, d'autres gènes n'existent que sur l'Y, parmi lesquels le gène
SRY (sex determining region Y) qui joue un rôle central.
Car avec l'équipement chosomosique XX vous êtes femme, et avec XY vous êtes homme : telle est la règle
habituelle. Mais la situation peut passablement se compliquer en cas d'anomalies chromosomiques : ainsi vous êtes
homme si vous êtes porteur de l'anomalie chromosomique XXY (l'une des anomalies génétiques les plus
fréquentes avec une moyenne de une fois sur 500 à 1000 naissances d'enfants de sexe masculin)... et femme
parfois bien qu'étant XY (par absence du gène SRY [Y non virilisant] ou absence du gène du récepteur
à la testostérone [porté par le chromosome X])... ou bien homme en étant XX (gène SRY
présent sur le chromosome X par anomalie de recombinaison)...
Signalons toutefois que les porteurs de telles anomalies chromosomiques ont souvent des désordres plus ou moins importants.
Ainsi, la majorité des porteurs de XXY développent le syndrome de Klinefelter (stérilité, faible
production de testostérone, faible pilosité, développement de seins vers 50 ans, etc...). Les femmes
XY liées à un Y non virilisant n'ont pas d'anomalie visible mais des ovaires incomplètement développés,
celles liées à l'absence de récepteur à la testostérone ayant des testicules intra-abdominaux.
Les hommes XX développent le syndrome de Klinefelter.
En réalité tout repose sur la présence ou non du gène SRY. Ce dernier a été localisé
en 1990 sur le petit bras de l'Y, juste à proximité de la région pseudo-autosomale. La protéine
qu'il code a pour effet de masculiniser en testicules les gonades jusque là indifférenciées du jeune
embryon. Les testicules formés, par l'intermédiaire de la testostérone qu'ils sécrètent,
contrôlent la mise en place des caractères sexuels secondaires masculins et la formation du sperme.
Pour autant, le sexe femelle n'est pas le résultat d'un programme par défaut puisque plusieurs gènes
sont nécessaires à la mise en place des caractères sexuels féminins, dont le gène DAX1
situé sur l'X. Chez le mâle, ce dernier est d'ailleurs inhibé par la présence du gène
SRY.
En fait, et d'une façon générale, le déterminisme sexuel chez les êtres vivants est varié :
une origine autosomale
Les chromosomes sexuels furent d'abord une paire d'autosomes tout à fait ordinaires d'environ un millier de gènes,
quand, il y a environ 300 millions d'années (Ma), une mutation dans le gène SOX3 produisit le gène
SRY. Le proto-Y naissait alors, tandis que son partenaire toujours porteur de SOX3 devenait le proto-X. Les ancêtres
des marsupiaux monotrèmes pondeurs d'oeufs (représentés aujourd'hui par exemple par l'Ornithorynque)
sont les premiers Mammifères à avoir acquis le gène SRY sur leur proto-Y.
des inversions, des transpositions
Puis ces chromosomes ont été le siège d'une succession d'accidents:
Au terme de ces tribulations l'Y se ratatine, passant par exemple chez l'Homme de un millier à environ 100 gènes.
D'aucuns allèrent même jusqu'à pronostiquer sa disparition totale d'ici 10Ma...
les séquences de l'Y
2003 - David Page et ses 39 collaborateurs du Massachussets Institute
of Technology (USA) ont présenté la séquence de presque toute l'euchromatine d'un Y humain,
comparée à celles de quelques fragments équivalents du Chimpanzé, du Bonobo et du Gorille, lesquels
ont divergé de la lignée humaine il y a environ 6 millions d'années. (voir refs 1
et 5). L'euchromatine de l'Y comprend trois types de séquences qui renseignent sur ce que fut l'évolution de ce
chromosome et sur les fonctions qui sont les siennes aujourd'hui :
amplicons et palindromes
Les amplicons ont pour caractéristique de contenir deux ou quelques copies de gènes très homologues
nécessaires à la fertilité mâle (voir une animation
sur le site du Howard Hughs Medical Institut. La réf. 4 propose d'autres animations).
Ils sont bordés de séquences en miroir dont les deux éléments rassemblés constituent
un palindrome, c'est à dire une séquence d'ADN qui se lit de la même façon dans les deux sens
par rapport à un point central - exemple: deux séquences rencontrées successivement, GGTAC, puis CATGG,
qui ensemble constituent le palindrome GGTAC.CATGG.
Le repliement l'une vers l'autre des deux séquences du palindrome produit une boucle qui met face à face
les copies de gènes très homologues de l'amplicon, dont l'une peut être mutée et l'autre pas.
Les échanges de séquences selon le mécanisme de conversion transforment la version mutée
en sa version non mutée, à l'intérieur même du Y donc, sans recours à la recombinaison
homologue.
Bien sûr, peut à l'inverse se produire la conversion du gène non muté en son équivalent
muté; mais on présage que cette double mutation court fort le risque d'être éliminée par
sélection.
L'avenir du chromosome Y humain n'est donc, pour l'instant, pas si sombre que le prédisaient certains! Pas plus
d'ailleurs que celui des Gorille, Chimpanzé et Bonobo chez qui des palindromes-amplicons similaires sont également
à l'oeuvre - l'hypothèse la plus simple étant donc d'estimer que ces ensembles sont apparus avant la
divergence des lignées humaine et simienne (ref. 6).
Conclusion
L'histoire de l'Y humain, porteur notamment du gène SRY déterminant le sexe mâle, n'est pas de tout
repos:
En 300 millions d'années, il a perdu les deux tiers de sa taille; les inversions qu'il a connues à plusieurs
reprises lui ont permis de garder le gène SRY sans le céder à son compagnon X, mais elles ont empêché
en même temps de réparer maintes mutations sur d'autres portions de l'Y qui, dégénérant,
ont été perdues, contribuant ainsi à le faire rétrécir (même si des transpositions
autosomales ou provenant de l'X l'ont parfois un peu rallongé).
Mais malgré ce parcours mouvementé, le chromosome Y humain a fait la preuve de sa résistance: celle-ci
est due à l'existence de palindromes-amplicons qui lui donnent la possibilité de corriger "en interne"
les mutations qui affectent la fertilité mâle.
Résistance encore plus forte qu'on ne le pensait: le groupe de David Page a montré, en septembre 2005, que
les gènes situés en dehors de ces zones résistaient mieux aux mutations chez l'Homme que chez le Chimpanzé
(ref 7).
L'avenir de l'Y humain est-il assuré pour autant? Le campagnol-taupe d'Arménie Ellobius lutescens
nous enseigne que non, lui qui a perdu son Y et son gène SRY. Mâles et femelles devenus XO (le zéro
indique l'absence de X ou de Y), sont pourtant parfaitement viables : chez le mâle, un autre gène, sur un autre
chromosome, a dû prendre la relève de SRY ou de l'un des gènes sous sa commande.
L'histoire de l'Y n'est pas celle d'un long fleuve tranquille.
VI. Bibliographie