Les rats du désert des Mohaves, dans le Sud-Ouest des États-Unis, se sont adaptés aux changements de végétation de leur environnement grâce à des gènes de détoxification qui sont plus actifs que chez les rats d'autres régions.
Loïc Mangin |
Il y a 18 700 à 10 000 ans, la région du désert des Mohaves, au Sud-Ouest des États-Unis, s'est réchauffée. Cette modification du climat s'est accompagnée d'un changement de la végétation et, notamment, de la disparition des genévriers. Or ces arbres constituaient la principale nourriture des rongeurs du genre Neotoma. Comment se sont-ils adaptés ? C'est ce qu'ont voulu savoir Denise Dearing, de l'Université de l'Utah, à Salt Lake City, et ses collègues du Laboratoire Modèles en biologie cellulaire et évolutive (CNRS-UPMC), à Banyuls sur Mer.
Pour ce faire, ils ont étudié deux populations de rats Neotoma lepida, les uns vivant dans le désert des Mohaves et consommant des créosotiers, plantes qui ont supplanté les genévriers, les autres prélevés dans la région, plus tempérée, du Grand Bassin, où les genévriers sont encore présents. L'idée était d'analyser les gènes de biotransformation, c'est-à-dire ceux requis par l'élimination, dans le foie, des produits toxiques contenus dans les créosotiers et, dans une moindre mesure, dans les genévriers. En effet, les feuilles de créosotiers sont recouvertes de résines toxiques qui représentent jusqu'à 24 pour cent du poids sec de la plante. Comment s'en accommoder ?
Les biologistes ont nourri les rats avec des aliments contenant des extraits soit de créosotiers, soit de genévriers. Dans ce dernier cas, le profil génétique (les gènes qui sont activés et leur niveau d'expression) des deux types de rats étaient presque identique. En revanche, avec le créosotier, ils ont mis en évidence 24 gènes grâce auxquels les rats du désert des Mohaves peuvent se nourrir de feuilles de l'arbuste sans dommages, alors que les rats du Grand Bassin maigrissaient. En outre, le gène de la superoxide dismutase, une enzyme qui élimine les radicaux libres délétères produits par l'organisme, est notablement plus actif chez les rats du désert des Mohaves que chez les autres.
Ainsi, en modifiant l'expression de certains gènes, le rat Neotoma lepida a pu rester dans le désert des Mohaves et s'adapter à son nouvel environnement et à un nouveau régime alimentaire. Selon D. Dearing, l'identification de ces gènes permettra peut-être de rendre tolérant le bétail domestique aux feuilles de créosotiers, une façon de préparer ces animaux au réchauffement climatique.