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Ces neurones, qui pourraient expliquer notre aptitude à nous mettre à la place d'autrui, n'avaient jusqu'alors été mis en évidence que chez le singe.
Marie-Neige CordonnierCertains neurones s'activeraient non seulement quand on effectue un geste – par exemple attraper un fruit et le mettre dans sa bouche –, mais aussi quand on observe une autre personne exécuter la même action. Dès leur découverte, il y a une quinzaine d'année, ces neurones – appelés neurones miroirs – ont suscité un intérêt particulier chez les neurobiologistes, qui y ont vu l'explication de notre faculté à nous mettre à la place d'autrui, à cerner ses intentions et ses sentiments, bref, l'explication neurobiologique de l'empathie. Toutefois, mis en évidence chez le singe macaque, ces neurones n'avaient pas été détectés chez l'homme, même si des observations indirectes par imagerie cérébrale suggéraient leur existence. C'est désormais chose faite.
Profitant de l'implantation d'électrodes dans le cerveau de 21 patients épileptiques destinées à rechercher les foyers épileptiques, des neurobiologistes américains et israéliens ont analysé l'activité de 1177 neurones sous diverses conditions : ils ont demandé aux patients soit d'observer une personne saisissant un objet ou un visage exprimant une émotion (colère, joie), soit d'exécuter eux-mêmes ces actions suite à une injonction visuelle (l'affichage d'un mot sur un écran). Si la majorité des neurones n'ont répondu qu'à une des deux situations, une proportion significative (68 neurones) ont réagi dans les deux situations. Pour les chercheurs, cette réponse double est la signature de neurones miroirs.
Chez le singe, l'activité de neurones miroirs avait été enregistrée dans les aires frontale et pariétale, deux aires impliquées dans l'exécution des mouvements volontaires. Chez les 21 patients, les électrodes n'ont pas été implantées dans ces régions, car les foyers épileptiques n'y étaient pas localisés. Les neurones miroirs ont donc été détectés ailleurs : pour certains, dans l'aire motrice secondaire, aire du cerveau qui intervient dans l'initiation d'un mouvement ou dans l'exécution d'une séquence de mouvements, pour d'autres, dans l'hippocampe et ses aires voisines, régions intervenant dans la mémorisation et le rappel des souvenirs.
En outre, la réponse des neurones miroirs varie selon les neurones : chez certains, la fréquence des impulsions électriques a augmenté dans les deux situations (observation ou action) ; chez d'autres, elle a diminué dans les deux cas ; chez d'autres, enfin, elle a augmenté dans la situation d'action et diminué dans la situation d'observation.
Pour les chercheurs, la multiplicité des réponses possibles et des localisations des neurones miroirs suggère, chez l'homme, l'existence de plusieurs systèmes de neurones miroirs offrant une certaine modulabilité dans l'intégration et la distinction des informations reçues et du comportement à adopter en conséquence. Depuis quelques temps, des critiques s'élèvent contre l'explication de l'empathie à l'aide des seuls neurones miroirs, jugée trop simpliste, au profit d'une vision qui, outre les neurones miroirs, intègrerait une part de raisonnement dans l'empathie, fondée sur l'expérience émotionnelle personnelle. La modulabilité du traitement des informations émotionnelles par les neurones miroirs réconciliera peut-être ces deux visions.
Certains de nos neurones s’activent non seulement quand nous exprimons une émotion, mais aussi quand nous observons cette émotion chez autrui. Ces « neurones miroirs » seraient-ils les bases neurobiologiques de l’empathie ?