Pics de nicotine. Cette théorie est en fait complètement fausse, viennent de montrer Jed Rose, de l’université Duke aux États-Unis, et ses collègues [1]. Ces spécialistes de l’addiction ont voulu tester l’hypothèse des pics de nicotine. Pour cela, ils ont analysé les concentrations de cette substance dans le cerveau au moyen de la tomographie par émission de positons, une technique d’imagerie cérébrale en trois dimensions. Ils ont placé 13 fumeurs réguliers et 10 fumeurs occasionnels dans un scanner, et leur ont demandé de fumer une cigarette. Or, ils n’ont observé de pic de nicotine dans le cerveau d’aucun d’entre eux. Au contraire, la concentration de cette substance y a augmenté régulièrement, au fur et à mesure qu’ils fumaient leur cigarette. La quantité maximale n’a été atteinte qu’au bout de 3 à 5 minutes. Par ailleurs, l’accumulation de nicotine a été environ deux fois plus lente chez les fumeurs réguliers que chez les fumeurs occasionnels. Selon les auteurs, les gros fumeurs garderaient plus longtemps la nicotine dans leurs poumons qui sont encombrés à la suite des effets chroniques du tabac.
Plaisir intense. « On savait déjà que la nicotine mettait environ 13 minutes pour perdre la moitié de son activité, précise Jean-Pol Tassin, neuropharmacologue à l’Inserm, à Paris. Elle ne disparaît donc pas au bout de quelques secondes, comme l’ont longtemps pensé les tabacologues. Grâce à l’étude menée par l’équipe de Jed Rose, on a désormais la preuve que ces pics de nicotine n’existent pas. Ce résultat remet en question l’idée que la dépendance au tabac provient d’une succession de plaisirs intenses. » Cette découverte amène aussi à chercher de nouvelles hypothèses pour expliquer le manque d’efficacité des patchs et des gommes à mâcher. Ces substituts nicotiniques destinés à sevrer l’organisme ne fonctionnent pas dans 85 % des cas. Selon les tabacologues, cela est dû au fait qu’ils délivrent de la nicotine de manière continue : ils n’entraînent pas de pics de nicotine, et donc pas de plaisir intense, contrairement à la cigarette. En fait, explique Jean-Pol Tassin : « La nicotine n’est probablement pas addictive seule. En 2009, mon équipe a suggéré qu’elle agissait uniquement en présence de composés toxiques présents dans la fumée de tabac et absents des patchs et des gommes [2]. L’inexistence des pics de nicotine renforce cette hypothèse. »
Jacques Abadie
[1] J.E. Rose et al., PNAS, 107, 5190, 2010.
[2] C. Lanteri et al., Journal of Neuroscience, 29, 987, 2009.
http://www.larecherche.fr/content/actualite-sante/article?id=27926