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Des traces de la formation du Système Solaire dans les neiges de l'Antarctique

Des micrométéorites trouvées en Antarctique s'avèrent des indices précieux des premiers événements qui ont constitué notre Système Solaire.

Marie-Neige Cordonnier

Prélevez de la neige à quatre mètre de profondeur au Dôme C, au cœur de l'Antarctique, faites-la fondre, filtrez-la, et vous aurez de grandes chances d'y déceler des météorites de quelques centaines de micromètres de diamètre, particulièrement bien préservées. Cette profondeur correspond à des chutes de neige ayant eu lieu il y a 50 ans, époque où la région était encore vierge de l'activité humaine (elle abrite aujourd'hui la station scientifique franco-italienne Concordia) et où la neige était ultra propre.

Ces poussières extraterrestres sont connues depuis les années 1990, mais grâce au soutien de l'Institut polaire Paul-Émile Victor, des physiciens du Centre de spectrométrie nucléaire et de spectrométrie de masse (Université Paris-Sud 11, CNRS/IN2P3) ont découvert, dans les neiges de Dôme C, un nouveau type de micrométéorites. La composition isotopique de deux de ces particules a été analysée par spectrométrie de masse au Muséum national d'histoire naturelle, et leur minéralogie étudiée à l'Université Lille 1 et à l'École normale supérieure. Leurs caractéristiques inattendues offrent de nouvelles clés pour appréhender les processus physico-chimiques qui ont accompagné les premières étapes de formation de notre Système Solaire.

Les deux micrométéorites sont majoritairement constituées d'une matière organique très riche en carbone et présentant un important excès de deutérium – un isotope stable de l'hydrogène – par rapport à l'hydrogène. Jusqu'à présent, on pensait que l'excès de deutérium était la signature de poussières provenant de nuages interstellaires primordiaux, antérieurs à la formation du Système Solaire. Toutefois, dans la matière organique des micrométéorites sont enchâssés des grains de cristaux, des grains de verres de silice riche en magnésium et des grains de verres de sulfates de Fer-Nickel ; or la proportion de phases cristallines est très supérieure à celle observée dans le milieu interstellaire (où les minéraux sont essentiellement présents sous forme amorphe). Les cristaux présents dans la matière organique de ces micrométéorites sont en revanche similaires à ceux observés dans les particules de la comète Wild 2, rapportées par la mission Stardust en 2006. Selon les chercheurs, il est donc probable que la matière organique constituant ces micrométéorites se soit formée à l'intérieur du Système Solaire lui-même ; elle pourrait s'être enrichie en deutérium au contact de réservoirs locaux de gaz riches en deutérium, dont l'origine fait encore débat.

En outre, les grains de minéraux n'ont pu se constituer qu'à de très hautes températures, c'est-à-dire à proximité du jeune Soleil. Les deux micrométéorites sont donc des vestiges du disque protoplanétaire qui entourait le Soleil à l'aube de notre Système Solaire. En arrivant jusqu'à nous, elles prouvent que des grains de matière organique peuvent voyager sur plusieurs dizaines d'unités astronomiques. Ou comment une petite boule de neige devient une fenêtre sur l'histoire du Système Solaire et l'origine de la matière organique sur Terre.

Des traces de la  formation du Système Solaire dans les neiges de l’Antarctique
J. Duprat / CSNSM-CNRS

L’extraction de neige propre dans une tranchée creusée près de la station Concordia, en Antarctique.

à voir aussi

J. Duprat et al., Science, mai 2010
Dans la micrométéorite « 119 » observée par microscopie éléctronique à balayage (A), les régions riches en carbone sont sombres (flèches), tandis que les zones claires sont les inclusions de minéraux. Dans la micrométéorite « 19 » observée par microscopie électronique à transmission (B et C), les minéraux cristallins (ol, px, S) sont opaques et la matière organique (OM) forme une matrice transparente. Les grains de verre sont intermédiaires (cadres).

Pour en savoir plus

L. R. Nittler, Cometary dust in the laboratory, Science, vol. 328, pp. 698-699, 2010.

L'auteur

Marie-Neige Cordonnier est journaliste à Pour la science.
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