• Un modèle d’agriculture sous la dépendance des pesticides

    Des manifestations sont organisées jusqu'au 31 mars dans toute la France à l'occasion de la « semaine sans pesticides»

    Le système agricole français est-il « verrouillé » ? Oui, ont répondu les scientifiques de l'expertise collective « Pesticides, agriculture et environnement » menée par l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) et l'Institut de recherche pour l'ingénierie de l'agriculture et de l'environnement (Cemagref) (1).

    Le modèle agricole français fait difficilement sa mue. Et les experts d'énumérer certains des blocages : la rationalité économique basée sur les rendements « induit le recours aux pesticides » ; « un secteur de conseil en protection des cultures dépendant de la vente des pesticides tend à favoriser l'emploi de pesticides » ; le fait que ce soit « les mêmes entreprises » qui assurent « la distribution des semences, des pesticides et des engrais, et la collecte des récoltes » renforce cette tendance, d'autant plus que ces mêmes entreprises rechignent à distribuer des variétés rustiques ou résistantes à certains bio-agresseurs, etc.

    Les scientifiques ajoutent des arguments socioculturels : la « culture du champ propre », sans mauvaises herbes ni maladies, prégnante chez les agriculteurs, l'aversion à l'idéologie « écolo » considérée comme « illégitime dans l'univers socio-technique de l'agriculteur » ou l'« aversion au risque » qui pousse aux traitements systématiques, d'autant plus qu'une pratique économe en pesticides exige à l'inverse plus de connaissances et une présence accrue dans les champs.

    La France, troisième consommateur mondial de pesticides

    Ce constat très officiel explique que la France reste le troisième consommateur mondial de pesticides (78 000 tonnes en 2005) sans qu'aucune tendance nette à la baisse ne se dessine au-delà des variations annuelles : après les années record de consommation 1998-2001, avec un marché annuel de phytosanitaires autour de 2 milliards d'euros, celui-ci oscille depuis entre 1,6 milliard et 1,9 milliard d'euros (1,7 milliard pour 2006).

    Or, ces consommations massives sont à l'origine d'une pollution chronique des eaux, jugée « préoccupante » par l'Institut français de l'environnement : 229 substances chimiques différentes ont été identifiées dans les eaux de surface, et 166 dans les nappes d'eau souterraines ; 49 % des points de mesure présentent une qualité moyenne ou mauvaise, selon l'institut.

    Une deuxième expertise historique apporte un éclairage tout à fait inédit sur la genèse de cette situation. Pesticides, révélations sur un scandale français (2), l'ouvrage de François Veillerette, président du Mouvement pour les droits et le respect des générations futures (MDRGF) qui milite pour les alternatives aux pesticides et organise la « semaine sans pesticides », et de Fabrice Nicolino, journaliste, chroniqueur dans le cahier « Sciences & éthique » de La Croix, remonte aux sources du système agricole national.

    Confusion et collusion des intérêts

    Les deux auteurs ont mené une étude fine de ces hommes qui ont fait l'agriculture française après la guerre. Les objectifs éminemment louables de l'autosuffisance alimentaire inciteront à s'engouffrer sur la voie de l'agriculture intensive : tous travailleront main dans la main au service de la cause commune, les services du ministère de l'agriculture, notamment le service de la protection des végétaux et la commission d'étude de la toxicité, les scientifiques de l'Inra et les industriels dits « de la protection des plantes » qui développent les engrais et les produits chimiques.

    Très vite cette complicité se transformera en confusion et collusion des intérêts, les mêmes hommes clés se chargeant de concevoir les substances chimiques à mettre sur le marché, de développer des variétés de plus en plus productives et en même temps d'homologuer et d'étudier la toxicité de ces substances.

    Dans ce système, l'administration n'est plus à même de défendre l'intérêt collectif, de garantir la protection de la santé et des milieux, et les agriculteurs eux-mêmes sont loin de maîtriser les règles du jeu. ...

    http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2298767&rubId=5547  


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