• Une bactérie du lac californien Mono peut, selon son milieu de vie, intégrer dans ses molécules de l'arsenic à la place du phosphore habituel.

    Bénédicte Salthun-Lassalle

    Tous les organismes vivants sont essentiellement composés de six éléments chimiques : le carbone, l'hydrogène, l'azote, l'oxygène, le soufre et le phosphore. Ces éléments forment les acides nucléiques (porteurs de l'information génétique), les protéines, les glucides et les lipides. D'autres éléments sont présents en très faible quantité, par exemple le fer ou le zinc qui favorisent les réactions chimiques dans une cellule. Mais Felisa Wolfe-Simon, de l'Institut d'astrobiologie de la NASA aux États-Unis, et ses collègues ont décrit une bactérie, la souche GFAJ-1 de la famille des Halomonadaceae, qui est capable de vivre en substituant le phosphore par de l'arsenic.

    Le lac Mono, à l'Est de la Californie, est un bassin volcanique de 22 kilomètres de diamètre peu favorable à la vie. Ses eaux stagnantes sont très riches en sels et en minéraux, et contiennent de grandes quantités d'arsenic dissous sous forme d'arsenate (AsO43–). Or l'arsenic est un élément chimique analogue au phosphore ; il a à peu près le même rayon atomique et une électronégativité proche, et l'arsenate se comporte en solution comme le phosphate (PO43–). C'est d'ailleurs en partie cette ressemblance qui confère à l'arsenic sa toxicité biologique. En général, les voies métaboliques utilisant le phosphate ne distinguent pas les deux molécules : l'arsenate est donc incorporé aux processus biologiques, du moins lors des premières étapes. En effet, les métabolites et les molécules contenant de l'arsenic ne sont pas stables et se dégradent vite, contrairement à ceux intégrant du phosphore.

    D'où la surprise constituée par la découverte que la bactérie GFAJ-1 est capable d'utiliser l'arsenate à la place du phosphate. Les biologistes l'ont isolée à partir d'un milieu de culture enrichi en arsenate. Ce micro-organisme se multiplie davantage quand il utilise le phosphate, mais il croît en effet bien en présence d'arsenate (alors qu'il ne se développe pas en l'absence de l'une de ces molécules).

    Qui plus est, F. Wolfe-Simon et ses collègues ont montré que l'arsenic remplace le phosphore dans les macromolécules de la bactérie, en particulier les acides nucléiques. Et ces molécules à l'arsenic ne se dégradent pas dans la bactérie, peut-être parce qu'elles sont fabriquées dans un environnement cellulaire faiblement aqueux, où les complexes de l'arsenic seraient plus stables. En revanche, si cette bactérie peut changer la composition élémentaire de ses molécules et vivre ainsi, selon son environnement, les biologistes ignorent comment elle fait !

     

    http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actualite-une-forme-de-vie-fondee-sur-l-arsenic-26212.php

    © Science/AAAS
    © Science/AAAS

    Ces bactéries GFAJ-1, observées en microscopie électronique, se développent dans un milieu riche en arsenate et dépourvu de phosphate.

    À VOIR AUSSI

    © Science/AAAS
    © Science/AAAS

    Quand elles se multiplient dans un milieu riche en arsenate, les bactéries présentent des vacuoles ou sacs intracellulaires dans lesquels seraient assemblées les molécules contenant l’arsenic.

    © 2010 Henry Bortman
    © 2010 Henry Bortman

    Le lac Mono en Californie est peu favorable à la vie, car ses eaux sont très salées, peu oxygénées et riches en arsenate.

    POUR EN SAVOIR PLUS

    F. Wolfe-Simon et al., A bacterium that can grow by using arsenic instead of phosphorus, Sciencexpress, 2 décembre 2010.

    L'AUTEUR

    Bénédicte Salthun-Lassalle est journaliste à Pour la Science.

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  • L'orchidée sonne l'alarme

    Une orchidée attire des mouches en imitant le signal d'alarme des pucerons.

    Loïc Mangin

    Les stratagèmes déployés par les orchidées pour attirer leurs pollinisateurs sont nombreux et divers. Par exemple, celles du genreOphrys ont un labelle (le pétale central) qui imite le corps d'insectes (mouche, abeille, bourdon...) et attire les mâles grâce à des substances qui évoquent des phéromones sexuelles de la femelle : s'ensuivent des pseudocopulations au terme desquelles les insectes repartent chargé du pollen de la plante. Johannes Stökl, de l'Institut Max Planck pour l'écologie chimique, à Iéna, en Allemagne, a découvert une nouvelle stratégie chez l'orchidée Epipactis veratrifolia, une espèce qui vit à Chypre et au Sud de la Turquie.

    Cette fleur a pour pollinisateurs des syrphes, des mouches d'une famille d'environ 5 000 espèces dont certaines ressemblent à des hyménoptères (abeilles, guêpes...). Or ces insectes traquent les pucerons pour nourrir leurs larves. L'évolution s'est engouffrée dans cette brèche ! En effet, les biologistes ont montré que l'orchidée émet trois molécules (a- et b-pinène, b-myrcène et b-phellandrène) que l'on retrouve... dans le bouquet d'odeurs libérées par les pucerons lorsqu'ils sont en danger ! Les mouches trompées pondent leurs œufs sur la plante et se chargent de pollen. Cependant, les larves qui écloront seront condamnées, car aucun puceron ne sera disponible à proximité, et ce d'autant plus que le « signal de danger » émis par la fleur repousse ces parasites !

    Selon les biologistes, les molécules volatiles ont peut-être été sélectionnées à l'origine parce qu'elles constituent un système de défense efficace de l'orchidée contre les pucerons. L'attraction des syrphes, devenus pollinisateurs, serait alors un effet secondaire.

    http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actualite-l-orchidee-sonne-l-alarme-25994.php

    © MPI Chemical Ecology, J. Stökl.
    © MPI Chemical Ecology, J. Stökl.

    L’orchidée Epipactis veratrifolia a attiré un syrphe du genre Ischiodon en émettant des molécules qui constituent les signaux d’alarme des pucerons.

    POUR EN SAVOIR PLUS

    J. Stökl et al.Smells like aphids : orchid flowers mimic aphid alarm pheromones to attract hoverflies for pollinationProceedings of the Royal Society B, à paraître, 2010.

    L'AUTEUR

    Loïc Mangin est rédacteur en chef adjoint à Pour la Science.

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  • Ca sent le vinaigre !

    Un arum attire les mouches avec une odeur qui ressemble à celle du vinaigre.

    Loïc Mangin

    Les arums sont des fleurs étonnantes. Certaines espèces, tel le gouet d'Italie (Arum italicum), produisent de la chaleur. D'autres, comme l'arum mange-mouches (Helicodiceros muscivorus), émettent une odeur nauséabonde de cadavre... Johannes Stökl, de l'Institut Max Planck pour l'écologie chimique, à Iéna, en Allemagne, et ses collègues, ont étudié une autre espèce, Arum palaestinum, et montré qu'elle libère des fragrances rappelant le vinaigre !

    Ils ont révélé que cette fleur attire spécifiquement des mouches drosophiles, c'est-à-dire les mouches du vinaigre, un genre regroupant près de 400 espèces. Pour ce faire, la plante émet des composés volatils qui miment des produits de la fermentation alcoolique telle qu'elle est pratiquée par les levures. Le mélange de six molécules, qui ont été identifiées, suffit à tromper les insectes. Parmi elles, l'acétate de butan-2,3-diol et l'acétate de 3-hydroxybutanone sont rares dans le monde végétal, mais sont caractéristiques du vin et du vinaigre, notamment balsamique.

     

    L'inflorescence de l'Arum palaestinum porte des fleurs mâles et des fleurs femelles. Pendant le premier jour, les fleurs mâles ne produisent pas de pollen tandis que les fleurs femelles, dans la partie inférieure sont disponibles pour recevoir du pollen. Les mouches, attirées par l'odeur de vinaigre, restent piégées pendant une nuit, puis, le matin suivant, les fleurs mâles libèrent du pollen alors que les fleurs femelles ont cessé d'être réceptives. Les filaments, désormais abaissés, n'interdisent plus la sortie : les mouches couvertes de pollen s'échappent.

    Cette association a été confirmée par des expériences d'imagerie fonctionnelle : la perception du bouquet de l'arum et celle de divers composés obtenus par fermentation (fruits pourris, Lambrusco, vinaigre balsamique...) se traduisent par l'activation des mêmes régions du système nerveux de l'insecte. En outre, sept des huit espèces de mouches visitant l'arum ont révélé des enregistrements semblables, bien que leur ancêtre commun date de 40 millions d'années, montrant que la fleur « cible » un circuit neuronal basal du système olfactif, partagé par des espèces aux préférences écologiques communes.

    Arum palaestinum infirme ainsi l'adage selon lequel on n'attire pas des mouches avec du vinaigre...

    http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actualite-ca-sent-le-vinaigre-26013.php

    © Avner Cohen
    © Avner Cohen

    Un arum (Arum palaestinum).

    À VOIR AUSSI

    © Johannes Stökl
    © Johannes Stökl

    Des mouches du vinaigre sont piégées près de l’inflorescence de l’arum.

    © Antonia Strutz
    © Antonia Strutz

    L’image révèle la stimulation (en rouge) des glomérules olfactifs de la mouche du vinaigre Drosophila melanogaster, par l’odeur de l’arum.

    POUR EN SAVOIR PLUS

    J. Stökl et al., A deceptive pollination system targeting drosophilids through olfactory mimicry of yeast, Current Biology, à paraître, 2010.

    Dans Pour la Science : Des fleurs à " sang chaud ", n° 359, septembre 2007.

    L'AUTEUR

    Loïc Mangin est rédacteur en chef adjoint à Pour la Science.

    À VOIR AUSSI

    © Arnold
    Une inflorecence d'Arum palaestinum.

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  • Nice Germs Finish Last: "Good Samaritan" Bacteria Provide New Clues in Antibiotic Resistance

    Resistant bacteria help their kin survive antibiotics, but at a cost

    The world is full of Good Samaritans; you’ll find many of them in your own body. James J. Collins, a biologist at Boston University, has found that small numbers of drug-resistant bacteria help their vulnerable counterparts survive antibiotic onslaughts, even at a cost to themselves.

    Collins and his colleagues exposed one culture of Escherichia coli—some strains of which colonize the human and animal gut; others of which are notorious for causing disease outbreaks—to increasing amounts of an antibiotic over time. When they periodically analyzed the levels of drug resistance in the colony, they saw something un expected: although the entire popu lation was thriving in the presence of the drug, only a few individual bacteria were actually resistant. “We were really surprised to see that the levels of resistance of the individual isolates were considerably lower than the population as a whole,” explains Collins, who published his results recently in Nature. (Scientific American is part of Nature Publishing Group.) Further analysis revealed that the resistant mutants were secreting a molecule called indole that thwarts their own growth but helps the rest of the population survive by activating drug-export pumps on the bacterial cell membranes.

    The findings could spur scientists to develop better antibiotics. If indole allows pathogenic bacteria to withstand antibiotics, it may be possible to thwart drug resistance by blocking indole signaling with small molecules, Collins says. Alternatively, “the findings suggest the possibility that scientists could one day use indole or an indole-based therapeutic, if proven safe, to help beneficial bacteria outcompete pathogenic bacteria in the urinary tract or intestinal system,” says Mark Anderson, chief scientific officer of Emeryville, Calif.–based Nova Bay Pharmaceuticals, which develops drugs for antibiotic-resistant infections.

    The results may also change the way doctors track infections in their patients. If a bacterial population can become antibiotic-resistant even when only a small number of individuals have the appropriate genetic mutations, doctors who collect and analyze small bacterial specimens from patients may underestimate just how resistant the infection is as a whole, Collins notes. “These unicellular organisms can function as a multicellular organism of sorts,” he says. Thus, isolated samples may not be representative of the big picture.

    http://www.scientificamerican.com/article.cfm?id=nice-germs-finish-last


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