• http://www.larecherche.fr/content/actualite-sapiens/article?id=30599

    Dossiers de La Recherche - Neandertal - Octobre 2011
    Pour ce nouveau numéro des Dossiers de La Recherche, en kiosque aujourd'hui, nous vous proposons de plonger dans le passé, sur les traces de l'homme de Neandertal. Découvrez comment la génétique se joint à la paléontologie et l'archéologie pour apporter de nouveaux éclairages sur notre lointain ancêtre.

    Comment retracer l'histoire de Neandertal ? Si l'on est loin de pouvoir le faire entièrement, on connaît un peu mieux son parcours. Il s'est métissé à faible dose avec l'homme moderne. Il partageait une grande partie de son génome avec une nouvelle lignée humaine révélée par son ADN, l'homme de Denisova.

    Ces récentes découvertes sont dues au progrès d'une jeune discipline, la paléogénétique. Vont-elles nous conduire à revoir notre vision de la préhistoire ? D'ores et déjà, avec les nouveaux fossiles trouvés en Asie, l'épopée d'Homo sapiens apparaît plus complexe qu'on ne le pensait. Et l'on revisite les scénarios de la disparition de Neandertal.

     


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  • http://www2.cnrs.fr/presse/communique/2336.htm

    Les premiers Hommes modernes (Homo sapiens) seraient arrivés en Europe il y a environ 45 000 ans, soit plusieurs millénaires avant la date communément admise jusqu'ici. Fruit d'une collaboration entre treize équipes européennes, à laquelle participent deux chercheurs français du CNRS et de l'Université Bordeaux 1 (1), ce résultat s'appuie sur de nouvelles analyses de deux dents de lait découvertes il y a une cinquantaine d'années dans une grotte préhistorique italienne, et qui avaient été attribuées à tort à des Néanderthaliens. Ces restes humains, datant d'il y a environ 45 000 ans, s'avèrent appartenir à Homo sapiens. Ils constituent les plus anciens témoignages d'Hommes modernes européens connus à ce jour. Publiés le 3 novembre dans la revue Nature, ces travaux apportent de nouveaux éléments pour mieux comprendre la diffusion des premiers Hommes modernes en Europe, ainsi que la période dite de « transition », allant de leur arrivée en Europe à la disparition des Néanderthaliens.

    Selon l'hypothèse la plus largement partagée à ce jour, la disparition de l'Homme de Néanderthal, qui a vécu en Europe pendant plus de 200 000 ans, aurait un lien avec l'arrivée sur ce même continent des Hommes anatomiquement modernes (Homo Sapiens). Encore largement débattue dans la communauté scientifique, la question complexe de leur extinction vient de recevoir de nouveaux éléments de réflexion, grâce à une collaboration scientifique européenne qui s'est intéressée à deux dents de lait retrouvées par M. Palma di Cesnola (Université de Sienne), dans la Grotta del Cavallo, située près de la petite ville d'Uluzzo, au sud de l'Italie. Découverte en 1960, cette grotte contient des dépôts archéologiques témoignant de la période pendant laquelle les Néanderthaliens ont été remplacés par les Hommes modernes. Décrite à partir de plus de vingt sites archéologiques en Italie, la culture « uluzzienne » est caractérisée par la présence d'objets (ornements personnels, outils en os, colorants, etc…) typiquement associés à un comportement symbolique des Hommes modernes. Or, lors de précédents travaux, les dents de Cavallo furent attribuées aux Néanderthaliens. Ces derniers ont alors été considérés comme les artisans des ornements et des outillages caractéristiques de la culture « uluzzienne ».

    De nouvelles analyses effectuées par une équipe internationale impliquant deux laboratoires français viennent contredire ces précédentes conclusions. Les reconstructions en 3D, issues d'enregistrements par microtomographie RX (2), des restes humains de Cavallo ont été comparées à un large échantillon de dents néanderthaliennes et modernes. En analysant les paramètres de leur structure interne et externe (en particulier l'épaisseur de l'émail et le contour des couronnes (3) dentaires), les chercheurs ont mis en évidence que les deux dents de Cavallo appartenaient à des Hommes modernes. D'autre part, la datation au carbone 14 par méthode AMS (4) sur des coquilles perforées, issues des mêmes niveaux archéologiques que les dents, a montré que ce matériel serait vieux d'environ 43 000 à 45 000 ans.

    Ces résultats indiquent une arrivée plus précoce d'Homo sapiens en Europe. Ils confirment la longue période de coexistence des Hommes modernes avec les Néanderthaliens. De plus, cette étude suggère que, contrairement à ce qui a été affirmé par le passé, les Hommes modernes seraient les artisans de la culture uluzzienne. Cette découverte apporte de nouvelles données pour comprendre le développement des comportements symboliques des populations du Paléolithique. Issue de la réévaluation des deux dents de Cavallo, elle n'aurait pas été possible sans une collaboration entre plusieurs institutions européennes et le recours aux innovations techniques développées au cours de la dernière décennie.

    Grotte

    © Annamaria Ronchitelli

    La Grotta del Cavallo (flèche rouge) s'ouvre sur la baie d'Uluzzo, située dans le Parc Régional Naturel de Portoselvaggio (Pouilles, sud de l'Italie).


    Artefactsuluzziens

    © Annamaria Ronchitelli et Dr. Katerina Douka

    Artefacts uluzziens de la Grotta del Cavallo (Pouilles, sud de l'Italie).


    PhotoMolaire

    © Dr. Stefano Benazzi.

    Vue mésiale du spécimen Cavallo-B (première molaire déciduale supérieure gauche), le premier Homme anatomiquement moderne d'Europe. La barre blanche dans la figure est équivalente à 1 cm.


    Vue3DMolaire

    © Dr. Stefano Benazzi.

    Reconstruction numérique en 3D de Cavallo-B (première molaire déciduale supérieure gauche). L'émail est en transparence pour montrer la dentine de la couronne.


     

    Notes :

    (1) Unité « Anthropologie bioculturelle » (CNRS / Université de la Méditerranée /EFS Alpes Méditerranée) qui s'intéresse d'un point de vue paléoanthropologique à la problématique de la « transition » entre les Néanderthaliens et les Hommes modernes et Unité « De la Préhistoire à l'actuel : culture, environnement et anthropologie » (CNRS / Université Bordeaux 1 / ministère de la Culture et de la Communication) qui a mis à disposition de cette étude ses compétences et ses équipements en matière d'imagerie 3D à haute résolution appliquée à la paléoanthropologie.
    (2) Scanner CT (Computed Tomography) à haute résolution.
    (3) Partie de la dent recouverte d'émail, en opposition à la racine.
    (4) Méthode AMS ou en français SMA : datation par "spectrométrie de masse par accélérateur".

    Références :

    Early dispersal of modern humans in Europe and implications for Neanderthal behaviour, Stefano Benazzi, Katerina Douka, Cinzia Fornai, Catherine C. Bauer, Ottmar Kullmer, Jiri Svoboda, Ildiko Pap, Francesco Mallegni, Priscilla Bayle, Michael Coquerelle, Silvana Condemi, Annamaria Ronchitelli, Katerina Harvati & Gerhard W.Weber, Nature, 3 novembre 2011


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  • Genome Project Reconstructs Lost Group of American Indians

    Participants in the 1000 Genomes project reconstruct the genetic variation of a lost group of Native Americans.

    By Susan Young of Nature magazine

    The Taínos were the first Native Americans to meet European explorers in the Caribbean. They soon fell victim to the diseases and violence brought by the outsiders, and today no Taínos remain.

    But the footprints of this extinct ethnicity are scattered throughout the genomes of modern Puerto Ricans, according to geneticist Carlos Bustamante at the Stanford University School of Medicine in Stanford, California. On average, the genomes of Puerto Ricans contain 10 to 15% Native American DNA, which is largely Taíno, says Bustamante.

    At a presentation at the 12th International Congress of Human Genetics in Montreal, Canada, Bustamante described preliminary results from a study that aims to reconstruct the genetic features of the Taíno people. The cryptic information was found in the genomes of 70 modern Puerto Ricans, some of the latest additions to the ongoing 1000 Genomes project, an international consortium whose goal is to find the variations in DNA sequence among the genomes of all human populations.

     

    Window on the past

    The genomes of modern Puerto Ricans are a mosaic of African, European and Native American sequences. A set of single-nucleotide locations that are known to vary across these different ancestral groups helped Bustamente and his collaborators to identify whether a given region of the genome was African, European or Native American in origin, and thus begin to stitch together chromosomal segments corresponding to the Taíno heritage. The various Taíno sequences in the 70 different genomes will help to build a more complete picture of the ancestral Native American genomes.

    The project has also shed light on the history of interactions between Native Americans, Africans and Europeans in the Caribbean. To infer when the various populations interbred, the team first estimated the lengths of each segment of African, European and Native American DNA in the modern genomes. They found the Taíno segments to be relatively short, suggesting a single 'pulse' of admixture a few hundred years ago.

    The small size of the ancestral segments fits with our understanding of the history of Puerto Rico, says Marc Via, a molecular anthropologist at the University of Barcelona, Spain, who was not involved in the study. "The admixture took place suddenly, so most of the population mixed with the African slaves and European settlers in the very early colonization of Puerto Rico." But the Taínos quickly died out, so with every generation, the segments of Taíno genome would become smaller and smaller, he says.

    Unlike the rapid mixing of Taíno with African and European genomes, the slave trade created a more complex pattern of African sequences. "The African and European segments have a fair amount of variation in size, which tells us that they are the result of several waves of migration," says Bustamante. Early insights from the study suggest that shorter, and therefore older, African segments come from populations near the coast of Senegal, whereas longer, more recent, segments come from inland African populations. This suggests that slave-traders first captured slaves on the coast but later had to go inland.

     

    Tracking the slave trade

    This information is key to understanding the history of the slave trade and African American history, says Bustamante. "Most Africans Americans in the United States have ancestry that largely traces to the African slaves that came through the Caribbean," he says. "We would love to be able to give folks back historical information that can be derived from DNA sequence data about where people came from."

    The study, which includes collaborators at the University of Puerto Rico in Mayagüez, will also help address deficiencies in medical genetics data sets, which largely contain sequences of European origin. "This now opens up the opportunity to undertake large-scale medical genetic studies in Puerto Ricans and in other populations of Afro-Caribbean and Hispanic-Latino descent."

    This article is reproduced with permission from Nature magazine. The article was first published on October 14, 2011.


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  • Le fossile de Cryptolacerta hassiaca © Museum für Naturkunde Berlin and a life reconstruction
    La découverte en Allemagne d’un fossile de lézard vieux de 47 millions d’années réfute l’une des théories expliquant l’origine des serpents.

    Les serpents descendent-ils des lézards ou de reptiles fouisseurs ressemblant à des vers, les amphisbènes ? La question a longtemps divisé les paléontologues.

    En 2005, une analyse génétique menée par Nicolas Vidal, du Museum national d’histoire naturelle de Paris, trancha en faveur des lézards. « Les données génétiques et moléculaires indiquaient que les serpents ne descendent pas des amphisbènes, mais personne n’avait trouvé de fossile pouvant le confirmer », explique le paléontologue.

    Or un tel fossile vient d’être découvert en Allemagne par des paléontologues du Musée d’histoire naturelle de Berlin. Il s’agit d’un spécimen de lézard vieux de 47 millions d’années. Baptisé Cryptolacerta hassiaca, cet animal d’à peine 8 centimètres de long est le seul de son espèce (voir la photo en haut).

    Les chercheurs ont d’abord examiné le fossile par tomodensitométrie, une technique d’imagerie aux rayons X permettant de reconstituer le squelette de Cryptolacerta hassiaca en trois dimensions.

    Ils ont mis en évidence un crâne plus massif que celui de la plupart des lézards, garni de renforcements et constitué d’os solidement soudés entre eux (voir ci-dessous).

    Le crâne de Cryptolacerta hassiaca en tomodensitographie © Museum für Naturkunde Berlin and a life reconstruction

    Autrement dit, ce crâne est approprié à l’enfouissement comme celui des amphisbènes, faisant de ce petit lézard leur plus proche parent. Ces données morphologiques ont été confirmées par des analyses génétiques.

    « Les serpents étant beaucoup plus anciens que Cryptolacerta, on peut définitivement écarter la thèse selon laquelle ils descendent des amphisbènes », conclut Nicolas Vidal. A ce jour il estime, avec de nombreux scientifiques, que les plus probables ancêtres des serpents seraient les iguanes et les anguimorphes, un groupe comprenant les varans.

    Fabien Goubet

    http://www.larecherche.fr/content/actualite-vie/article?id=30113


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  • http://www2.cnrs.fr/presse/communique/2173.htm

     

    Des insectes à 3 paires d'ailes

    Au cours des 250 millions d'années d'évolution des insectes, jamais on n'avait vu apparaître de nouvelles ailes. Des transformations, oui. Des pertes, oui. Mais pas d'ajout. Une équipe de l'Institut de biologie du développement de Marseille-Luminy (CNRS/Université Aix-Marseille 2) vient de briser ce dogme en apportant les preuves que le casque exubérant des membracides, un groupe d'insectes cousin des cigales, est en fait une troisième paire d'ailes profondément modifiée. Cette découverte est publiée dans la revue Nature du 5 mai 2011 dont elle fait la couverture.

    Les membracides (1) sont un groupe d'insectes cousin des cigales, dont les espèces rivalisent d'originalité dans leurs formes, leurs textures et leurs couleurs. Cette diversité est largement conférée par une structure surprenante, recouvrant en grande partie leurs corps : un casque. Celui-ci ressemble parfois à une fourmi en posture d'attaque, d'autres fois à une déjection d'oiseau, à une feuille morte, à une épine... Avant que l'équipe de Nicolas Gompel et Benjamin Prud'homme, tous deux chercheurs CNRS, ne les observe au microscope électronique, l'origine évolutive de cette structure était encore controversée. 

    Contrairement à la corne du scarabée rhinocéros, le casque des membracides n'est pas une simple excroissance de la cuticule (2), mais un appendice dorsal attaché de chaque côté du thorax par une articulation, avec des muscles et de la membrane flexible qui lui permettent d'être mobile. Ces observations anatomiques ont été confirmées par les chercheurs au niveau génétique : les mêmes gènes interviennent pour le développement du casque et des ailes. Les membracides seraient donc des insectes à trois paires d'ailes, dont l'une est profondément modifiée, méconnaissable.

    Cette découverte est le premier exemple d'un changement du plan d'organisation des insectes par l'ajout d'une nouveauté évolutive. Ce plan se définit par un corps divisé en trois parties (tête, thorax et abdomen), une paire d'antennes, trois paires de pattes et, le plus souvent, deux paires d'ailes, toujours présentes sur le deuxième et le troisième segment du thorax. Mais, il existe des variations autour de ce plan général. Chez les mouches et les moustiques, par exemple, les ailes postérieures sont réduites à de petits ballons appelés balanciers. Chez les coléoptères (coccinelles, scarabées, hannetons...), la première paire est transformée en élytres, ces ''ailes'' dures et souvent colorées qui protègent les ailes postérieures. Chez certains insectes, les ailes ont même totalement disparu. C'est le cas pour les puces ou les poux au mode de vie parasite, ou pour les punaises rouges, communément appelées Gendarmes. 

    Comment une nouvelle paire d'ailes a-t-elle pu apparaître chez les membracides ? « Chez les insectes, la formation des ailes est normalement réprimée sur tous les segments par les gènes Hox, sauf sur le deuxième et le troisième segment thoracique. » explique Nicolas Gompel. Le gène Hox qui intervient dans le premier segment du thorax, ne serait-il pas exprimé chez les membracides ? Non, la protéine Hox, le produit du gène, est bien détectée dans le casque en formation. Ce gène serait-il inactif ? Là encore la réponse est non : son injection chez la drosophile inhibe bien la formation des ailes. « Nous sommes confrontés à un paradoxe : un gène Hox qui est capable de réprimer la formation des ailes mais qui ne la réprime pas. Nous pensons que les changements évolutifs touchent plutôt le programme génétique de formation des ailes ; ces gènes seraient devenus insensibles à la répression par le gène Hox », précise Nicolas Gompel. Ces résultats vont également à l'encontre de l'idée selon laquelle le plan du corps est uniquement régi par les gènes Hox.  En effet, le gène Hox n'a pas changé alors que le plan du corps, lui, a évolué.

    Depuis son apparition, il y a environ 40 millions d'années, le casque des membracides s'est totalement dédouané des contraintes structurelles liées au vol. « C'est une aile qui n'en n'est plus une, en somme. Libéré de sa fonction pour le vol, cette aile a pu diversifier sa forme et sa texture sans modération dans ce groupe d'insectes.», conclut Benjamin Prud'homme. 

    Photo_Insectes

    © CNRS / Nicolas Gompel

    Le casque des Membracidae adopte les formes les plus variées parmi les espèces du groupe.




    Notes :

    (1) Les membracides ou Membracidae sont un groupe d'insectes cousin des cigales. En France, il n'en existe que 4 espèces. Ils sont par contre des milliers à se cacher dans les forêts tropicales d'Amérique du Sud et d'Asie. Leur casque leur permettrait de se camoufler, de faire peur... et ainsi de les soustraire à leurs prédateurs.
    (2) La cuticule est le squelette des insectes. C'est un squelette externe, une carapace qui leur permet de limiter les pertes d'eau en milieu aérien.

    Références :

    Body plan innovation in treehoppers through the evolution of an extra wing-like appendage. Benjamin Prud'homme, Caroline Minervino, Mélanie Hocine, Jessica D. Cande, Aïcha Aouane, Heloïse D. Dufour, Victoria A. Kassner & Nicolas Gompel. Nature, 5 mai 2011. 

    http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actualite-les-premiers-insectes-a-six-ailes-26985.php

    Les premiers insectes à six ailes !

    Le casque des membracides, des cousins des cigales, n'est pas une excroissance du thorax, mais une troisième paire d'ailes notablement modifiées.

    Loïc Mangin

    Combien d'ailes a une coccinelle ? Quatre ! Deux sont effectivement utilisées pour le vol et deux autres sont transformées en élytres rigides qui protègent les deux premières lorsqu'elles sont repliées (la coque rouge à points noirs). En cela, la coccinelle est conforme au plan général d'organisation des insectes : trois parties (tête, thorax et abdomen), deux antennes, six pattes et deux paires d'ailes au plus, parfois modifiées (balanciers chez les mouches), voire éliminées (chez les puces et les poux). On imaginait ce schéma incontournable. Ce n'est pas le cas. Nicolas Gompel et Benjamin Prud'homme, de l'Institut de biologie du développement de Marseille-Luminy (CNRS/Université d'Aix-Marseille 2) ont montré, avec leurs collègues, que les membracides, des cousins de la cigale, ont trois paires d'ailes ! Les appendices supplémentaires sont notablement transformés et constituent des casques aux rôles variés et aux formes exubérantes.

    Les membracides sont des insectes suceurs de sèves que l'on trouve surtout en Amérique du Sud, mais aussi sur les autres continents. On connaît par exemple quatre espèces européennes. Ces animaux se distinguent par des casques qui évoquent, selon les espèces, des feuilles mortes, des épines, des déjections d'oiseaux, des fourmis en posture d'attaque, des guêpes... À cette diversité morphologique correspond autant de rôles possibles : intimidation des prédateurs, camouflage, etc. Quelle est l'origine évolutive de cette structure ?

    En se fondant sur l'exemple des scarabées rhinocéros, les entomologistes voyaient dans le casque une excroissance du pronotum, le premier segment du thorax. Cependant, un examen minutieux a révélé qu'il est relié au corps par des articulations complexes (un assemblage de cuticule flexible et rigide), une de chaque côté de l'animal. Or ce type de configuration est semblable à celle qui relient les ailes aux deuxième et troisième segments du thorax. Le casque serait donc une troisième paire d'ailes : une innovation évolutive inédite !

    Des analyses du développement des nymphes ont montré que le casque croît à partir de deux ébauches latérales qui se rejoignent ensuite et fusionnent au-dessus du dos. Des détails anatomiques, tel un réseau de veines (comparable à celui que l'on distingue sur une aile de mouche) couvrant l'ensemble font du casque l'homologue des ailes.

    Cette homologie se retrouve dans le programme génétique qui préside à la formation des ailes et du casque. En effet, les biologistes ont mis en évidence dans le développement du casque plusieurs gènes, tel Nubin,Distal-less et Homothorax, connus pour participer spécifiquement au développement de l'aile.

    Ces résultats génétiques et anatomiques font bien du casque une troisième paire d'aile. Pour expliquer cette modification du plan général des insectes, on doit remonter à l'origine de ces animaux. Selon les archives fossiles, les premiers insectes, datés de 350 millions d'années, avaient des ailes ou des appendices apparentés sur tous leurs segments. Puis, ces organes ont été restreints aux seuls deuxième et troisième segments du thorax. Cette évolution résulte de l'activité de gènes dits Hox qui répriment la formation d'ailes dans tous les segments exceptés deux. En particulier, le gène Src empêche le développement des ailes dans le premier segment du thorax. Chez les membracides, cette inhibition ne fonctionnerait plus (le gène Src est actif, mais les gènes en aval n'y seraient plus sensibles) et aurait autorisé le développement du casque, il y a 40 millions d'années. Non assujetti au vol (les autres ailes y pourvoient), il a été « libre » d'évoluer sans contrainte, ce qui explique l'exubérance des casques observés aujourd'hui.

    © tsr
    © tsr

    Les membracides se distinguent par des casques aux formes variées et étonnantes.

    À VOIR AUSSI

    © N. Gompel.
    © N. Gompel.

    Un échantillon de la diversité des membracides.

    © N. Gompel <i>et al</i>.
    © N. Gompel et al.

    Au cours de l’évolution, la répression du développement des ailes par le gène Src a été modifiée. Inexistante au départ (1 et 2, tous les segments sont dotés d’appendices), elle a ensuite conduit aux insectes actuels chez qui elle s’exerce partout sauf dans les deuxième (T2) et troisième (T3) segments du thorax (3), qui portent chacun une paire d’aile. Cette inhibition a disparu du premier segment (T1) chez les membracides (4).

    POUR EN SAVOIR PLUS

    B. Prud’homme et al., Body plan innovation in treehoppers through the evolution of an extra wing-like appendage, Nature, vol. 473, pp. 83-86, 2011.

    Voir aussi le port-folio : L’exubérance des membracides.

    L'AUTEUR

    Loïc Mangin est rédacteur en chef adjoint à Pour la Science

     


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