• Cet antirides perturbe la compréhension des émotions lorsque nous lisons.

    Sébastien Bohler

    La toxine botulique, produite par la bactérie Clostridium botulinum, est une molécule paralysante et le plus puissant poison connu à ce jour. Elle est aussi utilisée depuis une vingtaine d'années dans le traitement des rides en injections locales à faible dose pour provoquer des paralysies musculaires ciblées de certains muscles du visage.

    En paralysant les muscles faciaux, cette substance modifie les émotions que l'on peut ressentir, par exemple, en lisant un texte. David Havas et ses collègues de l'Université du Wisconsin ont injecté du botox à des jeunes femmes dans certains muscles du front où se forment les rides, mais qui servent aussi à exprimer des émotions négatives comme la tristesse ou la colère. Ils leur ont fait lire des textes suscitant des émotions négatives, et ont constaté qu'elles mettaient plus de temps à comprendre le sens des phrases. En outre, elles comprenaient entre cinq et dix pour cent de phrases en moins.

    Cette expérience montre que les mouvements des muscles du visage servant à exprimer une émotion sont une aide pour identifier l'émotion correspondante, parce qu'on la reproduit de façon imperceptible. Des expériences d'imagerie cérébrale avaient déjà montré que l'injection de botox réduit l'activité de certaines zones du cerveau impliquées dans la perception des émotions, telles que l'amygdale cérébrale ou le cortex orbitofrontal.

    Selon les zones du visage où est réalisée l'injection, la compréhension des émotions décrites dans un texte est différemment altérée. Si le muscle facial ciblé est le muscle corrugateur du front, la compréhension des émotions négatives sera altérée ; si l'injection est réalisée autour de la bouche, les émotions positives risquent d'être moins bien perçues. Le botox donne un visage plus lisse, mais aussi une lecture sans relief.

    http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actualite-le-botox-rend-il-idiot-25827.php

    Krimar / Shutterstock
    Krimar / Shutterstock

    POUR EN SAVOIR PLUS

    D. Havas et al., in Psychol. Sc., vol. 21, p. 895, 2010

    L'AUTEUR

    Sébastien Bohler est journaliste àCerveau&Psycho

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  • Un récepteur moléculaire ne s'exprimant que dans les vaisseaux sanguins qui irriguent une tumeur a été découvert. Une piste probable pour détecter et cibler les cancers.

    Bénédicte Salthun-Lassalle

    Le cancer résulte de l'accumulation d'anomalies génétiques dans une cellule. Cette cellule cancéreuse se multiplie alors de façon désordonnée au point de former une masse, nommée tumeur. Cette tumeur n'est « viable » que si elle trouve les nutriments et l'énergie nécessaires à sa croissance : elle se développe donc avec son propre réseau de vaisseaux sanguins, indépendant du système vasculaire de l'organe où elle se trouve. Nicolae Ghinea, de l'équipe INSERM Institut Mondor de recherche biomédicale à l'Université Paris-Est de Créteil, et ses collègues ont identifié une molécule spécifique des cancers présente sur la paroi interne des vaisseaux sanguins tumoraux.

    Cette molécule est le récepteur de l'hormone folliculo stimulante ou FSH, qui favorise la maturation des ovules chez la femme et la production des spermatozoïdes chez l'homme. Les récepteurs de cette hormone ne sont donc présents que sur les cellules cibles des ovaires et des testicules et en très faible quantité dans les vaisseaux sanguins de ces organes. Ils n'existent dans aucun autre tissu de l'organisme.

    Les biologistes ont recherché ce récepteur dans des biopsies de cancers prélevées chez 1336 patients. Onze types de cancers ont été étudiés (prostate, sein, colon, pancréas, vessie, rein, poumon, foie, estomac, testicules et ovaires) à des stades différents. Résultat : le récepteur de la FSH existe à la surface des cellules endothéliales qui tapissent la paroi interne des vaisseaux sanguins tumoraux. Il se trouve en fait dans la couche de dix millimètres d'épaisseur qui entoure la tumeur. Et ce, pour tous les cancers étudiés. En outre, le récepteur est absent du reste de l'organe. Cette molécule est donc un véritable « marqueur du cancer ».

    Qui plus est, les chercheurs ont injecté dans le sang d'une souris une molécule qui se fixe spécifiquement sur le récepteur de la FSH. Ils ont ainsi pu détecter par microscopie la tumeur qu'elle portait. Et comme ce récepteur s'exprime uniquement dans les vaisseaux sanguins des tumeurs cancéreuses, il devrait être possible de cibler celui-ci avec des agents anti-tumoraux injectés dans le sang.

    http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actualite-un-marqueur-a-universel-a-du-cancer-26017.php

    © N. Ghinea/INSERM
    © N. Ghinea/INSERM

    Tissu d’une tumeur de la prostate à un stade d’évolution précoce ; en bleu, on voit les noyaux des cellules cancéreuses. Le vaisseau qui irrigue cette tumeur exprime le récepteur de la FSH (en rouge).

    POUR EN SAVOIR PLUS

    A. Radu et al.Expression of follicule-stimulating hormone receptor in tumor blood vesselsThe New England Journal of Medicine, en ligne le 21 octobre 2010.

    L'AUTEUR

    Bénédicte Salthun-Lassalle est journaliste à Pour la Science.

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  • http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actualite-le-voyage-de-l-arn-a-travers-les-pores-nucleaires-25848.php

    Des chercheurs ont pu suivre en temps réel le passage de l'ARN messager à travers un pore nucléaire, avec une résolution spatiale et temporelle inégalées.

    Émilie Auvrouin

    Les pores nucléaires, de grands complexes protéiques de 120 nanomètres de diamètre qui traversent la membrane du noyau des cellules eucaryotes, sont les portes de sortie des molécules d'ARN messager (les copies de portion de l'ADN servant d'intermédiaire pour la synthèse des protéines) du noyau vers le cytoplasme. On connait bien la structure et la composition du pore nucléaire, mais moins ce qui s'y passe au moment du passage de l'ARN messager. David Grünwald, de l'Institut Kavli, aux Pays-Bas, et Robert Singer, de l'Université de Médecine Albert Einstein, aux États-Unis, viennent de combler cette lacune en étudiant la dynamique d'exportation de l'ARN messager du noyau vers le cytoplasme.

    Jusqu'à présent, le pore nucléaire était une « boîte noire » à laquelle les chercheurs n'avaient pas accès. La faute aux techniques de microscopie employées, limitées à une résolution spatiale de 200 nanomètres. Or le diamètre intérieur d'un pore est d'environ 45 nanomètres, pour une longueur de près de 100 nanomètres. Pour s'affranchir du problème, D. Grünwald et R. Singer ont observé simultanément les pores nucléaires et les molécules d'ARN messager. Afin de les différencier, les molécules sont d'abord marquées par des protéines fluorescentes, jaunes pour les molécules d'ARN messager et rouges pour les pores nucléaires. Deux lasers (rouge et vert) sont montés sur le microscope afin d'exciter les protéines fluorescentes, et deux caméras CDD ultra-rapides détectent chacune le signal émis par l'une de ces protéines. Elles permettent d'obtenir une image d'ensemble du pore nucléaire et de l'ARN messager toutes les 20 millisecondes, avec une précision spatiale de 20 nanomètres, soit dix fois plus que les techniques traditionnelles.

    On s'attendrait à ce que l'ARN messager soit ralenti lors de son passage dans le pore nucléaire. Pourtant, ces nouvelles observations ont révélé que la traversée du pore est très rapide : seulement cinq millisecondes. D. Grünwald et R. Singer ont montré que l'entrée et la sortie du pore nucléaire sont les deux étapes limitantes en vitesse : l'ARN messager attend pendant 80 millisecondes avant d'entrer, et autant à la sortie du pore.

     

    © Albert Einstein College of Medicine
    En rouge, les pores insérés dans la membrane nucléaire ; en vert, les ARN messagers.

    En outre, dix pour cent des ARN messagers attendent à l'entrée des pores nucléaires sans jamais pouvoir franchir cette barrière. Selon les chercheurs, cette étape servirait de point de contrôle de l'ARN messager : les ARN messagers défectueux seraient inspectés puis détruits pour éviter qu'ils n'atteignent le cytoplasme, par un mécanisme qui reste à préciser.

    Dans ses précédentes recherches, R. Singer a étudié une maladie génétique qui affecte en particulier les muscles, la dystrophie myotonique. Elle est causée par une mutation d'un gène, qui entraîne la répétition de séquences de trois nucléotides dans l'ADN. R. Singer avait alors constaté que les molécules d'ARN messagers correspondantes restent bloquées à l'entrée du pore nucléaire.


    L'ARN messager (en jaune) traverse un pore nucléaire (en rouge) du noyau au cytoplasme (de gauche à droite).

    POUR EN SAVOIR PLUS

    D. Grünwald et R. Singer, In vivoimaging of labelled endogenous bêta-actin mRNA during nucleocytoplasmic transportNature, en ligne, 15 septembre 2010.

    L'AUTEUR

    Émilie Auvrouin est journaliste à Pour la Science.

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  • Une molécule aurait la capacité de stimuler la production de nouveaux neurones et de restaurer les capacités cognitives altérées par le vieillissement.

    Sébastien Bohler

    Les expériences n'ont été réalisées à ce jour que sur des souris et des rats. Mais après avoir testé 1 000 composés chimiques soupçonnés d'avoir des effets sur la croissance des neurones, Andrew Pieper et ses collègues de l'Université de Dallas et d'Atlanta pensent avoir trouvé un composé, nommé P7C3, doté de propriétés intéressantes.

    Le composé aurait la capacité de relancer la synthèse de nouveaux neurones dans une aire du cerveau (le gyrus denté) de souris ayant perdu cette capacité de régénération à cause de mutations génétiques créées en laboratoire. De telles souris sont incapables d'apprendre et ont de graves retards cognitifs. La substance isolée restaure à la fois la production de neurones dans leur gyrus denté, et les capacités d'apprentissage.

    La molécule régénératrice a été testée afin de savoir si elle protège des effets dus au vieillissement. Des rats âgés, atteints de déclin cognitif, ont reçu le médicament dans leur alimentation et ont subi le test du labyrinthe aquatique, consistant à mémoriser l'emplacement d'une plate-forme dissimulée sous la surface de l'eau. Après deux mois, ils ont présenté une augmentation de 50 pour cent de leurs performances par rapport à des rats non traités.

    La molécule P7C3 bloquerait une cascade de réactions biochimiques faisant intervenir les mitochondries (les organites qui fabriquent l'énergie des cellules) et provoquant la mort des neurones. Il s'agirait par conséquent d'une substance s'opposant à la mort programmée des neurones, ou apoptose, parfois qualifiée de suicide cellulaire. Des neurones sont continuellement produits à partir des cellules souches du gyrus denté, ce qui permettrait de reconstituer les stocks dans cette région du cerveau cruciale pour la mémoire.

    Toutefois, il faut se souvenir que l'essai a eu lieu chez la souris, qu'on n'a pas encore évalué ses éventuels effets secondaires et que si l'intérêt de la molécule se confirme, il faudra encore au moins dix ans pour disposer d'un éventuel médicament pour l'homme : c'est le temps qu'il faut pour qu'un nouveau médicament soit mis sur le marché, après qu'une molécule intéressante a été identifiée.


    >> article original
    KENNETH KIDD/TORONTO STAR
    KENNETH KIDD/TORONTO STAR
    Une souris de laboratoire à laquelle on a injecté la molécule p7c3, qui augmente le taux de survie des neurones dans la région cérébrale de l'hippocampe.

    POUR EN SAVOIR PLUS

    A. Pieper et al., in Cell, vol. 142, p. 39, 2010.

    L'AUTEUR

    Sébastien Bohler est journaliste àCerveau&Psycho

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  • Fumée de cigaretteLa plupart des tabacologues pensaient que chaque bouffée de cigarette provoquait un afflux massif et bref de nicotine dans le cerveau. Ce n'est pas le cas.
    Comment devient-on dépendant à la cigarette ? Pour la majorité des tabacologues, l’explication est simple. Lorsque le fumeur inhale une bouffée, la nicotine contenue dans le tabac pénètre dans ses poumons. Elle est absorbée entièrement par le sang, qui la transporte d’un bloc jusqu’au cerveau. Là, elle déclenche des mécanismes dans le « circuit de la récompense », un système impliqué dans la motivation de comportements vitaux comme la reproduction ou la recherche de nourriture. Elle provoque alors un plaisir intense. Puis elle disparaît après une quinzaine de secondes. Pour retrouver la même sensation de plaisir, le fumeur prend une autre bouffée, qui entraîne un nouveau pic de concentration de nicotine dans le cerveau. Répété de nombreuses fois, ce phénomène dérègle le système du plaisir et cause une dépendance.

     

    Pics de nicotine. Cette théorie est en fait complètement fausse, viennent de montrer Jed Rose, de l’université Duke aux États-Unis, et ses collègues [1]. Ces spécialistes de l’addiction ont voulu tester l’hypothèse des pics de nicotine. Pour cela, ils ont analysé les concentrations de cette substance dans le cerveau au moyen de la tomographie par émission de positons, une technique d’imagerie cérébrale en trois dimensions. Ils ont placé 13 fumeurs réguliers et 10 fumeurs occasionnels dans un scanner, et leur ont demandé de fumer une cigarette. Or, ils n’ont observé de pic de nicotine dans le cerveau d’aucun d’entre eux. Au contraire, la concentration de cette substance y a augmenté régulièrement, au fur et à mesure qu’ils fumaient leur cigarette. La quantité maximale n’a été atteinte qu’au bout de 3 à 5 minutes. Par ailleurs, l’accumulation de nicotine a été environ deux fois plus lente chez les fumeurs réguliers que chez les fumeurs occasionnels. Selon les auteurs, les gros fumeurs garderaient plus longtemps la nicotine dans leurs poumons qui sont encombrés à la suite des effets chroniques du tabac.

     

    Plaisir intense. « On savait déjà que la nicotine mettait environ 13 minutes pour perdre la moitié de son activité, précise Jean-Pol Tassin, neuropharmacologue à l’Inserm, à Paris. Elle ne disparaît donc pas au bout de quelques secondes, comme l’ont longtemps pensé les tabacologues. Grâce à l’étude menée par l’équipe de Jed Rose, on a désormais la preuve que ces pics de nicotine n’existent pas. Ce résultat remet en question l’idée que la dépendance au tabac provient d’une succession de plaisirs intenses. » Cette découverte amène aussi à chercher de nouvelles hypothèses pour expliquer le manque d’efficacité des patchs et des gommes à mâcher. Ces substituts nicotiniques destinés à sevrer l’organisme ne fonctionnent pas dans 85 % des cas. Selon les tabacologues, cela est dû au fait qu’ils délivrent de la nicotine de manière continue : ils n’entraînent pas de pics de nicotine, et donc pas de plaisir intense, contrairement à la cigarette. En fait, explique Jean-Pol Tassin : « La nicotine n’est probablement pas addictive seule. En 2009, mon équipe a suggéré qu’elle agissait uniquement en présence de composés toxiques présents dans la fumée de tabac et absents des patchs et des gommes [2]. L’inexistence des pics de nicotine renforce cette hypothèse. »

    Jacques Abadie

    [1] J.E. Rose et al., PNAS, 107, 5190, 2010.
    [2] C. Lanteri et al., Journal of Neuroscience, 29, 987, 2009.

    http://www.larecherche.fr/content/actualite-sante/article?id=27926


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